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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’être pas suivis.
    Le bosquet les absorba. Élisabeth et la fillette les attendaient sur le moreau qui reprenait son souffle. Tête basse, Ogier se recueillit pour échapper au spectacle des embrassades. Si par miracle il revenait à Gratot, il serait au centre d’une pareille scène : des pleurs, des rires et des baisers accompagneraient son retour. Parmi la domesticité en liesse, Blandine, pâle et insondable, le regarderait sans ciller.
    — Vous reprendrez vos effusions ce soir, dit-il sèchement. Nous avons réussi mais il serait imprudent de nous endormir sur nos lauriers. Partons sans plus tarder.
    Shirton les précéda, suivi d’Élisabeth ayant la fillette en croupe. Elle se retournait quelquefois pour sourire à son sauveur ; il lui souriait ou grimaçait quand la préhension de Tom, dont l’œil vif surveillait tout, devenait un peu trop forte.
    — Comment s’appelle notre protégée ?
    — Griselda, messire. Tout comme Élisabeth, je connais votre langue.
    Le sentier pénétra dans une sorte de grand hallier où les ronces, parfois, cédaient la place aux osmondes. Il y avait donc de l’eau quelque part. Tom frémit en la sentant, mais ce n’était qu’un ruisseau. Il parut se résigner.
    Devant eux, le soleil rayait d’une lance oblique quelques troncs verruqueux avant de se planter dans une mare. Cette fois, Tom partit effleurer l’eau de ses pattes et vint voleter entre les deux hommes. Il semblait indécis, courroucé peut-être : deux inconnues empiétaient sur l’attention que, d’ordinaire, lui consacraient ses compères peu enclins, pour une fois, à paroler.
    — Nous allons droit sur Bunbury, dit enfin Shirton, alors que le rapace choisissait son épaule.
    — Bunbury ? fit Élisabeth, une sorte de déception dans la voix.
    — Eh oui, m’amie. C’est au nord et c’est là qu’Ogier doit trouver l’aide et la protection qui lui permettront de revenir en Normandie, si Dieu le veut.
     
    *
     
    Le soir vint sans qu’ils eussent vu la fin d’une forêt d’où la moiteur s’était accrue sous les cinglons d’une averse. Ils subirent ce désagrément sans broncher. Seule Élisabeth prononça quelques mots ; c’était pour réconforter Griselda blottie contre sa poitrine.
    Lorsqu’il observait cette femme à laquelle Shirton vouait une sorte d’admiration naïve en refusant de se douter des obligations dont elle s’acquittait chez Ferris, Ogier découvrait dans son regard une langueur inattendue, vraie ou simulée, qui lui semblait destinée. Il préférait l’attribuer au regret toujours suppurant d’avoir perdu son enfant, une fille que Griselda, quoi qu’elle fît, ne pouvait remplacer.
    Il laissait son cheval faire à sa volonté. Griselda souriait par-dessus l’épaule d’Élisabeth, non plus à lui, Ogier, ni même à la liberté : à rien. Ce sourire, maints sévices et soumissions l’avaient figé pour l’éternité sur ses lèvres. Il advenait que Shirton lançât à la fillette un coup d’œil oblique : cette intruse accaparait sa bien-aimée.
    « Elle a troublé leurs retrouvailles. Rêve et réalité ne coïncident plus… Je vais », décida Ogier, « la prendre en croupe… Où est Tom ? Il ne cesse de nous quitter. »
    Ils mirent pied à terre sans hâte et sans mot dire devant une hutte de charbonniers abandonnée depuis peu. Le balbuzard réapparut, un poisson dans le bec.
    — Un gros ! s’écria Griselda. Il le pose à tes pieds, Jack, comme une offrande.
    Le poisson, un chevesne, avait la taille d’un fer de lance. Il tressautait dans l’herbe et se heurta au sabot d’un cheval. Élisabeth tendit sa main ouverte à Shirton :
    — Il faut mettre un terme à ses souffrances. Ton couteau !
    Elle s’agenouilla et prit appui sur une pierre. Dès qu’elle eut tranché la tête, elle leva vers Ogier un visage empreint d’une sorte de repentir :
    — Je n’aime voir souffrir ni les gens ni les bêtes.
    Il l’approuva d’un battement de cils. Griselda se mordait les lèvres. Tom repartit à tire-d’aile. Shirton essuya la lame sur sa cuisse :
    — Nous allons manger, puis vous dormirez vous, les femmes, dans la hutte. Jonchez-la de feuilles sèches… si vous en trouvez.
    Griselda prit Élisabeth par la main :
    —  Shirton and you will sleep in the hut [98] .
    — And you [99]  ?
    — With the Franklin. I owe him that [100]  !
    — Qu’avez-vous décidé ? leur demanda Ogier.
    — La petite veut que je

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