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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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L’escalier se trouvait à trois ou quatre pas. Ils le contournèrent et d’un coup de pied, la jeune femme poussa l’huis de la cuisine. Le bourdonnement d’une conversation cessa. Il y eut un bruit de cymbales : un couvercle recoiffait brusquement une marmite et déjà, écartant deux hommes et une femme, Élisabeth ouvrait la porte de la cour.
    Les chevaux étaient là, immobiles.
    Il y eut un remuement, des cris et des injures. Le sergent avait suivi et appelait à l’aide. «  Holà ! » hurla quelqu’un. Ogier ne se retourna pas.
    Il aidait la jeune femme, retroussée jusqu’aux hanches, à se hisser sur le moreau quand un événement inattendu se produisit : surgie d’une encoignure, la fillette de la cheminée se précipitait devant le cheval et l’attrapait au frein :
    —  Ferris is a demon !… I don’t want to live here any more [91]  !
    —  Que dit-elle ?
    — Elle veut que nous l’emmenions.
    La jeunette tourna vers Ogier un visage suppliant :
    —  For pity’s sake, my Lord ! Carry me away [92]  !
    — Elle implore votre pitié !
    — Bon Dieu ! Elle nous retardera !
    — Qu’importe, messire ! Vous ne pouvez la laisser à Ferris. À dix ans, il l’a fait entrer dans le lit de Simon de Brackley… Ce démon est présent dans la grand-salle. Craignez-le !
    — Ainsi soit-il !
    Ogier jeta plutôt qu’il ne hissa la fillette dans les mains d’Élisabeth et claqua le moreau à la cuisse. Avec plaisir il le vit prendre le mors aux dents.
    Il sautait sur le second cheval, un louvet assez maigre et rétif dont Shirton avait assoupli le caractère, quand un couteau siffla près de sa joue pour aller se planter sur le tas de fumier, arrachant quelques plumes à une glousse et éparpillant ses poussins.
    « Qui que tu sois, Goddon, le grand arc t’irait mieux ! »
    Tous les hommes d’armes avaient abandonné leur repas. Certains, l’épée au poing, couraient vers le perturbateur, d’autres s’enfournaient dans l’écurie. Ferris apparut, menant le limonier d’un charreton alourdi de trois gros barils. Il écumait :
    —  Come on ! Courage !… By God, you are men-at-arms [93]  !
    — Good grief ! They cut off the belly-bands of our saddles [94]  !
    Talonnant le louvet, Ogier partit au galop.
    « Ils me suivent… Ils sont deux qui montent à cru ! »
    Il franchissait la brèche de l’enceinte quand il vit Shirton décocher sa première sagette.
    —  Take care ! I’m wounded in the shoulder [95]  !
    « Un homme est atteint, mais d’autres galopent… Shirton n’a pas eu le temps de couper les brides ! »
    —  Let’s rejoin them [96]  !
    — Let’s overtake them [97]  !
    —  Aïe ! Aïe !
    « Un autre est touché… Un autre encore !… Ah ! Shirton est un maître ! »
    Le louvet galopait à puissantes foulées.
    — Allez ! Sauve-moi ! Sauve-nous !
    Pour Ogier, le regard tendu vers le bosquet dans lequel le cheval d’Élisabeth venait de disparaître, le monde entier ne pouvait être autre chose que cette grande prairie déclive et cette musique vaste, forcenée, de quatre sabots qui la martelaient. Parfois, à l’intérieur de ses cuisses, il sentait d’un côté l’étui de l’arc et de l’autre le carquois dont Shirton avait soulagé le sommier. Contre la palette du troussequin ballottait le bissac empli de nourriture.
    « Le temps que ces hommes d’armes reprennent le pourchas, nous serons loin ! Nous nous arrêterons ce soir et mangerons… Mais en quel lieu ? Il va falloir vêtir décemment ces deux pauvresses… Jack doit avoir de quoi leur acheter des robes. »
    Il se retourna. Shirton galopait en hurlant des encouragements à son cheval.
    « Je l’attends. Ce n’est pas à moi de rejoindre Élisabeth le premier. Il pourrait en prendre ombrage. »
    L’archer fut là, heureux et pâle ; des larmes et des sueurs se mêlaient sur les joues.
    — Je t’ai obéi… Aucun mort. Tous ces maudits petitement navrés !
    — Ils ne nous épargneront pas, eux, s’ils nous rattrapent !
    Il y eut dans le ciel un froissement de plumes. Ogier sentit des serres s’accrocher sur son épaule dextre heureusement rembourrée de laine et de crin.
    — Eh bien, Tom ? Où étais-tu passé pendant notre affaire ?
    Le rapace parut glousser.
    — Sois quiet, dit Shirton. Nous trouverons bientôt une rivière et tu nous pécheras une friture.
    Ils continuèrent de galoper, se retournant parfois, et riant de

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