Le Journal D'Anne Frank
jamais voulu prendre conscience du rôle important, difficile mais en fin de compte magnifique, lui aussi, que joue la femme dans la société. Paul de Kruif, l’auteur du livre mentionné ci-dessus, reçoit mon entière approbation quand il dit que les hommes doivent apprendre qu’une naissance a cessé d’être quelque chose de naturel et de simple dans les régions du monde que l’on appelle civilisées. Les hommes ont beau jeu, ils n’ont pas et n’auront jamais à supporter les souffrances que connaissent les femmes !
Je pense que la conception selon laquelle la femme a le devoir de mettre les enfants au monde se modifiera au cours du prochain siècle et fera place à du respect et de l’admiration pour celle qui, sans renâcler et sans faire de grandes phrases, prend de tels fardeaux sur ses épaules !
Bien à toi,
Anne M. Frank
VENDREDI 16 JUIN 1944
Chère Kitty,
Nouveaux problèmes : Madame est au désespoir, elle parle de balle dans la tête, de prison, de pendaison et de suicide. Elle est jalouse que Peter me fasse confiance à moi et pas à elle, elle est vexée que Dussel ne réagisse pas assez à ses avances, elle a peur que tout l’argent du manteau en fourrure passe dans les cigarettes de son mari, elle se dispute, jure, pleure, se plaint, rit puis recommence à se disputer.
Que peut-on bien faire avec un tel numéro, une pleurnicheuse et une folle ? Personne ne la prend au sérieux, elle n’a pas de caractère, elle se plaint auprès de tout le monde et elle se promène avec des airs de gamine, ce vieux trumeau. Et le pire, c’est que Peter en devient insolent, M. Van Daan soupe au lait et Maman cynique. Tu parles d’une ambiance ! Il ne reste plus qu’à garder en tête une seule règle : ris de tout et ne te préoccupe pas des autres ! Cela peut paraître égoïste, mais en réalité, c’est le seul remède pour ceux qui se prennent en pitié.
Kugler doit aller bêcher pendant quatre semaines à Alkmaar, il essaie de se dégager de cette obligation avec un certificat médical et une lettre d’Opekta. Kleiman souhaite être opéré rapidement de l’estomac. Hier soir, à onze heures, les lignes téléphoniques de tous les particuliers ont été coupées.
Bien à toi,
Anne M. Frank
VENDREDI 23 JUIN 1944
Chère Kitty,
Rien de spécial à signaler ici. Les Anglais ont commencé la grande bataille de Cherbourg, d’après Pim et Van Daan nous serons certainement libres le 10 octobre. Les Russes participent à l’action, hier ils ont pris l’offensive à Vitebsk, c’est exactement trois ans jour pour jour après l’invasion allemande.
Le moral de Bep est toujours en dessous de zéro. Nous n’avons presque plus de pommes de terre, à l’avenir nous voulons les compter pour tous les huit, à chacun de décider ce qu’il veut en faire. Miep prend une semaine de vacances anticipées à partir de lundi. Les médecins de Kleiman n’ont rien trouvé sur sa radio, il hésite fortement entre se faire opérer ou laisser les choses suivre leur cours.
Bien à toi,
Anne M. Frank
MARDI 27 JUIN 1944
Très chère Kitty,
Le moral a brusquement changé, tout va très bien. Cherbourg, Vitebsk et Slobin sont tombées aujourd’hui. Sûrement un gros butin et de nombreux prisonniers. Cinq généraux allemands tués à Cherbourg, deux faits prisonniers. A présent les Anglais peuvent amener à terre ce qu’ils veulent car ils ont un port ; trois semaines après le débarquement, tout le Cotentin aux mains des Anglais ! Un exploit remarquable. Au cours des trois semaines qui ont suivi D-Day, il n’y a pas eu un seul jour sans pluie et sans orage, aussi bien ici qu’en France, mais cette malchance n’a pas empêché les Anglais et les Américains de montrer leur puissance, et comment ! Il est vrai que le Wuwa(1) est en pleine action, mais que signifie ce ridicule petit grelot à part un peu de dégâts pour l’Angleterre et des colonnes entières dans les journaux des Boches ? D’ailleurs, s’ils s’aperçoivent en Bocherie que le danger bolchevique menace réellement, ils vont redoubler de frousse. Toutes les femmes et tous les enfants allemands qui ne travaillent pas pour la Wehrmacht sont évacués des régions côtières vers Groningue, la Frise et la Gueldre. Mussert a déclaré que si lés troupes du débarquement arrivent ici, il revêtirait l’uniforme du soldat. Il a envie de se
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