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Le Journal D'Anne Frank

Le Journal D'Anne Frank

Titel: Le Journal D'Anne Frank Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Frank
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humeur massacrante et, de plus en plus, elle met sous clef ses affaires personnelles. Dommage que Maman ne riposte pas à chaque disparition d’affaires Van Daan par une disparition d’affaires Frank.
    Certaines personnes semblent éprouver un plaisir particulier à éduquer non seulement leurs propres enfants mais aussi ceux de leurs amis, les Van Daan sont du lot. Chez Margot, il n’y a rien à redire, elle est par nature la bonté, la gentillesse et l’intelligence mêmes, mais je prends largement sur moi sa part d’indiscipline. Plus d’une fois, à table, c’est un feu croisé de réprimandes et de réponses insolentes. Papa et Maman prennent toujours ma défense avec vigueur, sans eux, je ne pourrais pas reprendre constamment la lutte avec autant d’assurance. Bien qu’ils me répètent sans cesse d’être moins bavarde, de ne pas me mêler des affaires des autres et d’être plus effacée, j’échoue plus souvent que je ne réussis et sans la patience de Papa, il y a longtemps que j’aurais abandonné tout espoir de satisfaire un jour aux exigences parentales, qui n’ont pourtant rien d’abusif.
    Si je ne prends pas beaucoup d’un légume vert que je n’aime pas du tout et mange des pommes de terre à la place, Van Daan et surtout Madame sont choqués et me trouvent bien trop gâtée. Je m’entends dire aussitôt : « Allons, Anne, reprends un peu de légumes. »
    Je réponds : « Non merci, madame, les pommes de terre me suffisent. »
    « Les légumes verts sont très bons pour la santé, ta mère le dit elle-même, prends-en encore un peu », insiste-t-elle jusqu’à ce que Papa s’interpose et confirme mon refus.
    Alors Madame fait sa sortie : « Vous auriez dû voir comment ça se passait chez nous, là au moins on savait élever les enfants, ce n’est pas une éducation, Anne est beaucoup trop gâtée, moi je ne le tolérerais jamais, si Anne était ma fille…»
    Voilà par où commencent et finissent toutes ses tirades : « Si Anne était ma fille », heureusement, ce n’est pas le cas. Mais pour en revenir à notre sujet, hier les profondes réflexions de Madame furent suivies d’un silence. Puis Papa répondit : « Je trouve Anne très bien élevée ; au moins, elle a appris à ne pas répondre à vos longs sermons. Et pour ce qui est des légumes, je ne vous dirai qu’une chose, vice versa. » Madame était battue, et à plate couture, ce vice versa était naturellement une allusion à Madame, qui le soir ne supporte pas les haricots ni aucune sorte de choux parce que ça lui donne des « vents ». Mais moi aussi je pourrais en dire autant. Qu’elle est bête. C’est trop drôle de voir avec quelle facilité Mme Van Daan pique un fard, et moi pas, bien fait, et au fond d’elle-même ça a le don de l’exaspérer !
     
    Bien à toi,
    Anne
     
     
     
    LUNDI 28 SEPTEMBRE 1942
     
    Chère Kitty,
     
    J’étais loin d’avoir fini ma lettre d’hier quand j’ai dû cesser d’écrire. Je ne résiste pas à l’envie de te raconter un autre conflit, mais avant de commencer, juste un mot : je trouve incroyable que des adultes puissent se quereller si vite, si souvent et à propos des détails les plus futiles ; jusqu’à présent, j’étais persuadée que les chamailleries étaient réservées aux enfants et s’atténuaient par la suite. Bien sûr, il y a parfois de vraies raisons de se quereller mais, ici, les prises de bec ne sont rien d’autre que des chamailleries. Comme celles-ci sont notre lot quotidien, je devrais déjà y être habituée ; mais je ne le suis pas et je ne le serai sans doute pas non plus tant que je ferai les frais de presque toutes les discussions (c’est le mot qu’on emploie ici à la place de dispute, tout à fait incorrect bien sûr, mais il ne faut pas en demander trop à des Allemands !).
    Rien, mais alors rien, en moi ne trouve grâce à leurs yeux, chaque trait de mon comportement et de mon caractère, chacune de mes manières, est la cible de leurs cancans et de leurs ragots, et à en croire certaines personnes qualifiées, il faudrait que j’avale avec le sourire des mots durs et des criailleries à mon adresse, chose dont je n’ai pas du tout l’habitude. C’est au-dessus de mes forces ! Je ne songe pas un instant à me laisser insulter sans riposter, je vais leur montrer qu’Anne Frank n’est pas née d’hier, ils n’en croiront pas leurs oreilles et ils ne tarderont pas à fermer leur grande gueule

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