Le lacrima Christi
coquin s'était enfui de l'église ? En fait, c'est au prieuré qu'il s'est esquivé ! Ce n'est que lorsque j'en suis arrivée à la conclusion que vous étiez la seule personne susceptible d'avoir dérobé le Lacrima Christi que j'ai compris que vous étiez responsable de la fuite de Laus Tibi. Vous étiez le seul à pouvoir le faire. D'ailleurs, combien auraient eu un motif pour cela ?
— Et quelle est cette raison ? s'enquit Barnabas avec lassitude, comme s'il savait ce que son interlocutrice allait dire.
— Mais le Lacrima Christi, bien sûr ! Il est évident que le vol du réceptacle peut être imputé à Laus Tibi. La libération du larron était censée égarer les soupçons tout en apaisant l'inquiétude du véritable malfaiteur.
Un bruit de pas l'interrompit.
— Colum, pourriez-vous veiller à ce que personne n'approche la chapelle ? Je ne veux pas mettre le père prieur dans l'embarras plus qu'il n'est nécessaire.
Murtagh sortit. Kathryn leva les yeux vers la chaîne d'argent et écouta Colum signaler à frère Simon, le sacristain, que le père prieur et l'infirmier étaient trop occupés pour qu'on les dérange. Quand il fut de retour, elle montra la chaîne.
— Venons-en à présent au Lacrima Christi, au rubis sacré qui est censé contenir le sang de notre sauveur.
Elle hocha la tête.
— Je ne sais si c'est vrai ou faux mais c'est, en tout cas, une pierre de très grande valeur et j'ai lu son histoire.
L'impératrice Hélène l'a prise à Jérusalem et l'a offerte à l'église de Constantinople. Il y a deux cent soixante ans, en route pour Jérusalem, les croisés ont saccagé la ville. Ils se sont emparés du joyau et l'ont ramené en Occident. Il s'est retrouvé dans l'une des grandes églises franciscaines d'Assise. On l'y a dérobé une fois encore, sans doute sur ordre de l'empereur de Constantinople qui voulait récupérer une relique si sacrée. Le Lacrima Christi est donc retourné à son premier propriétaire jusqu'à la chute de la ville aux mains des Turcs, quand Sir Walter Maltravers et son chapelain le père John l'ont alors subtilisé. Or vous, père prieur, n'avez jamais été à Constantinople. Il se peut pourtant que vous ayez connu Maltravers bien avant d'entrer dans votre ordre ou qu'il achète Ingoldby Hall.
Peut-être avez-vous entendu parler de la fuite de Sir Walter et de la légende des Athanatoi. Après tout, il y a deux espèces de gens en particulier qui coudoient les grands seigneurs : les armuriers et les franciscains. Dites-moi, mon père...
Elle s'arrêta.
— Est-ce que je mens, ici, en présence du Christ ? Posez la main sur le crucifix et jurez-le.
— J'attends que vous en ayez terminé pour prendre la parole, rétorqua ce dernier d'une voix rauque.
— Vous êtes un homme plein de zèle, mon père. Je suis sûre que vous étiez un excellent armurier. Quand vous êtes devenu franciscain, vous vous êtes plongé dans l'histoire, les traditions et l'esprit de votre ordre. De votre propre aveu, vous vous êtes rendu à Assise. Vous saviez tout, sans doute, sur ses églises et les reliques qu'elles contenaient ou avaient contenu un jour. Vous avez consulté manuscrits et chroniques dans leurs bibliothèques et avez appris que le joyau avait, à ce qu'on prétendait, été repris aux franciscains. Et quand vous avez été nommé à la tête de ce prieuré, voué à la pauvreté, le fait que des riches, comme Maltravers, possèdent un précieux rubis, une relique sacrée, qui, à vos yeux, appartenait en réalité à votre maison, vous a scandalisé.
Kathryn se pencha en avant et tapota l'épaule de Barnabas.
— Mon père, chuchota-t-elle, vous et frère Ralph pouvez contester à tout moment ce que je dis.
Bien que le prieur se soit un peu ressaisi, l'apothicaire remarqua des gouttes de sueur sur sa lèvre supérieure et la façon dont il s'étirait les doigts avec nervosité comme pour soulager l'anxiété qui bouillonnait en lui.
— Bien entendu, en tant que membre de la hiérarchie ecclésiastique de cette ville, reprit Kathryn, vous ne pouviez manquer de mieux connaître Maltravers. Il est tombé malade. Frère Ralph a été dépêché à Ingoldby Hall.
Ayant eu vent des rumeurs et des histoires qui couraient sur ce favori royal et sa jeune et belle épouse, vous avez décidé de le punir.
— Je n'étais point responsable de sa maladie, rétorqua Barnabas.
— En effet, mon père, vous ne feriez de mal à personne, du moins pas
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