Le lacrima Christi
Laus Tibi de se lever et lui a annoncé que le jour de sa délivrance était proche. Elle lui a donné des vêtements propres, des vivres, de l'argent et le splendide réceptacle du rubis sacré.
— Mais Laus Tibi n'aurait-il pas protesté ? suggéra Murtagh.
— Un oiseau se plaindrait-il d'avoir été tiré des griffes d'un chat ? Oh, non ! s'exclama Kathryn. Il a dû croire qu'il avait une vision. Il ne sait pas qui est son bienfaiteur et n'en a cure. Il se déshabille dans le chœur et enfile ses nouveaux habits recouverts par une des bures gris foncé du prieuré. Il a de l'argent, le précieux support et une solide canne. Son mystérieux sauveur lui indique que, s'il vend le réceptacle, il gagnera encore davantage d'argent. Le libérateur de Laus Tibi entraîne alors notre coquin ravi hors du chœur, lui fait traverser la sacristie et l'introduit dans le prieuré.
Colum, fasciné par l'histoire de Kathryn, s'approcha et, sans y être invité, s'assit sur le sol près du prieur.
— Mais Laus Tibi ne se serait-il pas méfié ? N'aurait- il pas eu des soupçons ?
— En auriez-vous eu à sa place ? questionna Kathryn en riant. C'est grand crime que de faire sortir un homme du sanctuaire, de lui fournir assistance. De lui donner ce qui appartient en réalité à une relique sacrée. Pourquoi aurait-il redouté un tel complice ?
Le prieur baissa la tête. Kathryn poursuivit :
— Laus Tibi doit gambader comme agneau par un beau matin de mai ! Le prieuré est silencieux et sombre ; les frères dorment. Et même si l'un d'entre eux se lève et aperçoit deux silhouettes portant la coule, que pensera-t-il
? Que deux membres (te sa communauté vont vaquer à quelque tâche de la maison.
Kathryn désigna Barnabas.
— C'est vous qui avez libéré Laus Tibi, et frère Ralph vous a servi de garde, en surveillant les alentours pour s'assurer qu'il n'y avait pas de danger.
L'infirmier, blême et les yeux vitreux, la fixa.
— Laus Tibi, comme Pierre délivré d'Hérode, continua l'apothicaire, se retrouve tout d'un coup de l'autre côté d'une poterne, bien loin des baillis qui veillent et campent dans le cimetière, à l'autre bout des bâtiments.
Je me suis promenée dans l'enceinte de cette maison : les baillis étaient comme des goupils épiant trois terriers de lapin sans se rendre compte qu'il y a six.
— Bien sûr ! acquiesça Colum. Aucun bailli ne pouvait imaginer qu'un membre de la communauté de Greyfriars oserait aider un truand connu comme tel à s'enfuir.
— Exactement, approuva la jeune femme. Laus Tibi est donc libre. Vif comme un furet qui s'engouffre dans un trou, il met autant de distance que possible entre lui et Greyfriars. À l'aube, il se rend chez un barbier pour se faire raser et laver. Il vend le réceptacle de la relique à notre orfèvre et, l'escarcelle encore plus rebondie, il se dirige vers les grilles de la ville. Arborant des habits neufs, propre et fraîchement rasé, il déambule comme un grand seigneur. Personne ne pourrait penser qu'il s'agit de ce félon sale et aux abois qui devrait être blotti sur la chaise de Miséricorde dans le chœur de Greyfriars. Il est sans doute à présent soit à Douvres soit dans l'un des Cinq Ports4, s'il n'a pas déjà embarqué pour Calais ou l'une des cités de la Chrétienté. Père prieur ?
Barnabas, abattu, l'air éperdu, leva la tête. Frère Ralph ouvrait la bouche sans pouvoir prononcer un mot, le visage luisant de sueur.
— Les cloches, comme d'habitude, retentissent et la communauté se lève pour chanter laudes. Laus Tibi s'est enfui. Mais comment ? La porte de la sacristie a été derechef close et verrouillée. On fouille l'église mais le coquin a disparu et le mystère s'épaissit.
— Vous n'avez aucune preuve ! intervint le prieur.
— Dites-moi, mon père, combien de personnes, céans, possèdent une clé de la sacristie ? Combien peuvent ouvrir 4 Hastings, Sandwich, Douvres, Romney et Hythe qui assuraient la défense des côtes de la Manche. ( N.d.T.)
l'armoire où vous gardez les vêtements que vous distribuez aux pauvres ? Combien auraient osé ne serait-ce qu'imaginer de libérer Laus Tibi ?
Kathryn s'interrompit.
— C'est là que j'ai commis une véritable erreur quand j'ai formulé mon hypothèse. Je ne pouvais croire que le prieur d'une importante communauté franciscaine aide un hors-la-loi à échapper à la justice. Pourquoi vous aurais-je soupçonné, d'autant plus que j'étais persuadée que ce
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