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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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mais je sais que ces gens si habiles du mousquet sont habiles aussi à se fondre dans l'ombre. Paris est si mal éclairé. Et cette nuit, semble-t-il, aucun bourgeois, aucun noble n'est sorti précédé de torches. Les hôtels des Grands et des financiers ne sont pas non plus illuminés. On croirait Paris en deuil !
    - Comme c'est curieux, en cette ville qui dit ne dormir jamais...
    La Reine resta pensive.
    - Je ne sais, Madame, si Paris dort parfois, mais cette nuit Paris ne repose pas.

    - Il y a là conspiration.
    - Disons fort soupçon d'agitation.
    - quelles dispositions pouvons-nous prendre ?
    - Des pelotons de gardes et de mousquetaires parcourent les rues, avec armes et torchères. Principalement vers les quartiers de Saint-Martin et Saint-Denis ; c'est là qu'on a le plus fait de bruit.
    - Merci, Guitaut.
    - Et les lieutenants civils ont été éveillés afin qu'ils prennent leurs propres mesures.
    - Oui, bien s˚r...
    La Reine ne savait que dire ni que faire. Pourquoi donc le ministre ne la rejoignait-il pas ?
    - Ma mère, Paris reste donc dans le noir la nuit ? Est-ce normal pour la ville o˘ réside le Roi ?
    La voix claire de Louis venait de rompre le silence embarrassé
    de sa mère.
    Guitaut l'en remercia mentalement, il détestait voir Anne d'Autriche dans l'hésitation. Il remarqua aussi que le jeune Roi conser-vait en sa main celle de la gouvernante. Il n'en ressentit que plus d'amour pour Mme de Sénecey, qui avait conquis le plus haut cúur du royaume.
    - Voyez-vous, Louis, la ville est trop vaste...
    - Et si Sa Majesté le permet (Guitaut s'approcha du lit), Paris est toujours sillonné de torches portées par ses habitants qui ont bien des habitudes nocturnes. Flambent aussi les quinquets des cabarets. Aujourd'hui seules brillent encore quelques chandelles dans l'île de la Cité, dans le très ancien palais de nos très anciens Rois, là o˘ siège votre Parlement. Mais, c'est tradition, elles montrent dans les salles pourtant vides qu'en votre royaume la loi ne sommeille jamais.
    - Il n'est donc, monsieur de Guitaut, que le Palais royal et le Parlement d'illuminés ?
    - Oui, Sire, à cette heure, c'est l'exacte vérité.
    - Eh bien, faites souffler les chandelles du Parlement sur son île, que Paris sache bien qu'il n'est qu'un phare en ce pays et en cette ville, et que ce phare porteur de lumière ne peut être que là
    o˘ le Roi réside.
    " Oh là, pensa Guitaut, voici qu'il fait le Roi ! A dix ans, voilà
    aussi qui promet ! Je le conterai à d'Artagnan. Ces choses-là lui plaisent ! " Il regarda la Reine qui, quelque peu éberluée, considé-rait son fils désormais assis bien droit en son lit et que n'avaient plus besoin de soutenir ses oreillers.
    - Louis...
    - N'ai-je point raison, ma mère ? N'est-ce point ce que vous m'avez enseigné ?
    - Si fait... Sire.
    Elle cacha le sourire qui lui venait devant ce qu'elle prit pour un mot d'enfant.
    Pas Guitaut, qui savait reconnaître un ordre et salua en s'appro-chant d'un pas, et déclara hautement :

    - Il en sera fait selon l'ordre de Votre Majesté.
    - C'est bien ainsi qu'il faut agir. Et vite maintenant !
    Voilà que cet enfant me tance ! Et tout en tenant la main de la femme que j'aime ! François Ier vient de toucher son véritable héritier ! Il se préparait à sortir et se morigéna : Non, monsieur Guitaut, Louis XIV fait en ce moment l'apprentissage de lui-même. Un sourire s'esquissa.
    - Ce qui serait mieux, cher capitaine, c'est que ces quinquets trépassassent non par le souffle ou l'éteignoir mais à coups de mousquets. On saurait aussi que la force des armes vaut loi, et n'appartient qu'au Roi !
    - Je prendrai, Sire, mes meilleurs tireurs.
    - Et ces messieurs d'hermine n'auront qu'à commander et payer le travail des vitriers. Car j'entends qu'on tire à travers les fenêtres et que les rues de Paris entendent la mousquetade du Roi, en réponse à celle d'on ne sait encore qui !
    - Bien, Sire.
    Et le voilà qui déclare la guerre à son Parlement ! Et sans son ministre encore !
    Ministre qui arrivait accompagné du capitaine-lieutenant d'Artagnan.
    - O˘ courez-vous, Guitaut ? dit Mazarin toutes dents et tout miel.
    - Ordre du Roi, Monseigneur, Sa Majesté m'envoie moucher des chandelles !
    Ainsi d'Artagnan, au-delà du ministre auquel on l'attachait, vit enfin son Roi de près, c'était la vingtième fois, certes, mais la première o˘ le mousquetaire le rencontrait en son privé. L'enfant ne lui déplut pas. En chemise, sur

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