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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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leurs caprices. "
    Les chuchotis incessants, qui accompagnent tout sermon dans une église comme toute tirade au thé‚tre entre les gens que la qualité de leur naissance ne saurait condamner au silence, se turent. Le coadjuteur apprécia du haut de sa chaire ce silence. Il poursuivit, renforcé par une si belle écoute :
    " Les Rois qui ont été sages ont rendu les Parlements déposi-taires de leurs ordonnances pour se dégager d'une partie de l'envie et de la haine que l'exécution des plus saintes lois et même des plus nécessaires produit quelquefois. "
    Il prit un temps et sa voix se fit plus forte. " Voilà Jean Bouche d'or qui va nous asséner une vérité assassine ", pensa une dame masquée...
    " Ces sages Rois n'ont pas cru s'abaisser en se liant eux-mêmes à ces lois, semblables en cela à Dieu, qui obéit toujours à ce qu'il a commandé une fois ! "
    Un frisson dans l'assemblée silencieuse.
    " Les ministres, eux, qui sont toujours aveuglés par leur fortune pour ne se pas contenter de ce que ces ordonnances permettent, ne s'appliquent qu'à les renverser ; et feu le Cardinal de Richelieu, plus qu'aucun autre, y a travaillé avec autant d'imprudence que d'application. Or il n'y a que Dieu qui puisse subsister par Lui seul. Les monarchies les plus établies et les monarques les plus pleins d'autorité ne se soutiennent que par l'assemblage des armes et des lois. Les lois désarmées tombent dans le mépris ; les armes qui ne sont pas modérées par les lois tombent dans l'anarchie ou la tyrannie. "
    IL attaque Mazarin sous la pourpre de Richelieu... La Reine masquée en e˚t souri si Gondi ne vilipendait pas à cette heure, dans une cathédrale, tout ce qui vivait au Palais royal.
    " qui e˚t dit qu'il peut naître en un Etat o˘ la maison royale est parfaitement unie [il flatte, songea Anne], o˘ la Cour était esclave du Ministre [il distille son fiel], o˘ les provinces et la capitale lui étaient soumises, o˘ les armées étaient victorieuses [il encense les Condé, ce chien noiraud], qui e˚t dit qu'il p˚t naître assez de malheur pour pousser des mousquets à tirer dans Paris contre les armes de la sainte autorité royale ! A moins que ce ne f˚t contre certain édit né de la plume d'un ministre. Paris gronde, en effet. Car Paris cherche à t‚tons des lois justes venues du Parlement garant des droits et des franchises. On ne trouve plus ces lois, on s'effare, on crie, on questionne ; les réponses sont obscures, on les soupçonne d'être odieuses ! Le peuple vient d'entrer en un sanctuaire et de lever le voile qui doit toujours couvrir tout ce que l'on peut dire des droits des peuples et de celui des Rois qui ne s'accordent jamais aussi bien ensemble que dans le silence. Or, les mousquets du Roi ont répondu en mouchant les chandelles du palais de nos lois ! On a profané un mystère, on a besoin que la loi des Rois et des sujets soit restaurée, en un autre palais, ce palais des lois en l'île de la Cité. "
    François Paul de Gondi, évêque in partibus infidelium de Corinthe, avait livré son épître aux Corinthiens de Paris, mais peu dans la manière du grand saint Paul.

    Rentrée au Palais royal, rouge derrière son masque, la Régente de France songea à l'exiler, l'emprisonner, le décapiter. Mazarin souriant proposa plutôt de souvent l'inviter à la visiter, de lui laisser entendre qu'on promettait et de ne jamais tenir. Ou du moins de tarder toujours, de lanterner, de rendre le prélat patient ou, s'il montrait de l'impatience, de le laisser commettre la bévue qui le perdrait à jamais. Gondi était trop ambitieux et trop myope pour ne pas se réveiller un jour aveuglé de sa propre fausse gloire.
    - Le temps, Madame, joue toujours pour le vrai pouvoir. Et ce pouvoir vrai et sacré ne repose nulle part ailleurs qu'en vos mains avant que vous ne le déposiez en celles du Roi votre fils.
    Elle craignait son pouvoir qui lui semblait de sable et insaisissable entre ses propres mains, qu'elle regarda, désemparée. On en vantait la beauté, elle n'y vit qu'impotence.
    Gondi visita, la Reine lui sourit, le Roi le détesta un peu plus, Mazarin l'écouta.
    - On m'a dit, monsieur le Coadjuteur, que vous déclam‚tes en chaire un vibrant éloge des lois divines et terrestres et que vous compar‚tes deux sanctuaires, la Sainte Eglise et le Parlement.
    - Sans oublier, Eminence, le palais du Roi.
    - On a sans doute oublié de me le rapporter, tant votre harangue était vibrante et si

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