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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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dans la vie quotidienne.
    - Est-il mort ?
    Il parle à voix basse.
    Perrette opine.
    Il se lève. Sans bruit. On dit déjà la reine Marie-Thérèse enceinte. Au bout de huit mois, le Roi n'a pas chômé. Ce Dauphin-là n'attendra pas vingt-trois ans de mariage pour mordre les seins d'une nourrice.
    Le Roi refuse toute aide, ne veut pas que Perrette appelle les valets ni les gentilshommes. Ce premier jour de Roi sans ministre, le Roi se vêt seul.
    " On me l'a changé ", pense dame Perrette qui assiste chaque matin au lever. Il lui fait un signe d'adieu et va s'enfermer en son cabinet.
    Perrette sourit, le Roi tient ses chaussures à la main comme un mari volage rentrant de bordée, et marche sur ses bas, mais là
    c'est encore par respect pour le sommeil de son épouse.
    Deux heures durant le Roi reste seul.
    Puis il ira rendre ses devoirs au ministre défunt, son parrain.
    Il envoie également des dépêches aux trois principaux membres du Conseil : Le Tellier qui tient la guerre, Lionne les affaires étrangères, Fouquet les finances. Ne rien signer avant le Conseil de demain, quelles que soient les affaires en train.
    Le lendemain est convoqué le Conseil dans l'aile du Roi que Mazarin a commandée à Le Vau, en face de l'aile de la Reine, dans la cour de cet immense ch‚teau qui sert aussi de forteresse et de banque, mais cela seul Colbert le sait.
    A quatre heures le Roi paraît, salue ses ministres, se recoiffe, reste debout, le poing sur la hanche, et entame sa grande scène que tout le monde connaît et résumera en trois mots qu'il ne prononça pas : l'Etat c'est moi.
    Il s'adresse au chancelier Séguier qui seul a le droit de s'appuyer à la table, vu son grand ‚ge de chancelier éternel et revenu après l'intermède de Mole.
    "Monsieur le Chancelier, je vous ai fait assembler mes ministres et secrétaires d'Etat, pour vous dire que, jusqu'à présent, j'ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le Cardinal. Il est temps que je les gouverne moi-même. Vous m'aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai.
    "Messieurs, la face du thé‚tre change : j'aurai d'autres principes dans le gouvernement de mon Etat, dans la régie de mes finances et dans les négociations au-dehors que n'avait feu M. le Cardinal. Vous savez mes volontés. A vous de les exécuter. "
    Sa mère l'attend et le mande. Elle n'a pas été invitée au Conseil.
    Elle hésite un temps pour le messager, Guitaut ou Mme de Sénecey ; l'un est respecté par son fils, l'autre touche son cúur et sa conscience. Pas de sévérité, elle envoie sa chère Marie-Catherine.
    A laquelle elle vient de dire : " Je savais bien que mon fils voudrait faire le capable ! "
    La marquise a ri avec elle.
    Elle est annoncée dans le cabinet du Roi, qui la reçoit immédiatement, se lève et va l'accueillir à la porte, comme une princesse du sang.
    " IL me jauge, pense-t-elle. Il est courtois mais me jauge. "
    - Sire, Sa Majesté la Reine... la Reine mère désirerait que vous la visitiez.
    Il sourit à la belle messagère. Il va ériger sa terre de Randan en duché pairie. Son tabouret chez sa mère et sa femme, les deux Reines, ne sera plus de gr‚ce mais d'honneur et de reconnaissance.
    - Je la visiterai à six heures si ma mère le veut bien.

    Elle se déplace pour éviter le soleil rasant. Elle préfère la pénombre. Il voit que je suis vieille !
    - Bien, Sire.
    Elle tombe en révérence et recule.
    - Restez, Madame. Un instant !
    Il s'approche. Il lui prend la main, la mène vers une table.
    - M'aimez-vous toujours...
    - Sire, vous avez la réponse. De toute mon ‚me.
    - Comme en cette nuit de Fontainebleau, aussi ?
    - Il faisait nuit, Sire, vous le dites, et l'ombre gommait...
    - Vous n'avez pas répondu.
    - Oui, Sire. De la même façon.
    - Pourquoi parliez-vous d'ombre et de gomme ?
    - Sire, ne me tourmentez pas. Je sais mon ‚ge...
    - Je le sais aussi. A-t-il tant changé depuis ?
    - De quelques mois supplémentaires.
    - Mais l'amour que vous me portez...
    - Il est immuable.
    - Alors, Madame, regardez.
    Il lève un voile de soie de dessus la table. C'est un plan. Des jardins, des bassins, une sorte de ch‚teau aux ailes immenses comme si cet oiseau de pierre se voulait albatros. Un Grand Canal comme si Venise était en France.
    Elle regarde le Roi.
    - Nous avons parlé un jour dans le jardin du Palais royal, devant des pivoines venues de Chine, de " parterres d'eau ". Le nom vous avait amusée, j'étais un enfant encore.
    -

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