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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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moins, mais se sent tout soudain prête à être rejetée par le monde.
    - Dites-moi, mon amie.
    - Je vais parler, Madame, et ensuite me retirer au Val-de-Gr‚ce si vous m'y acceptez.
    - Dites.
    La marquise de Sénecey, duchesse de Randan, dit tout. Ou presque. Le plan du ch‚teau... Les secrets des amours (pas les siennes), Colbert qui ourdit, mais elle tait comment elle a obtenu cette confidence, une nuit, la nuit de l'été à Fontainebleau l'an passé, quand le Roi venait de lui avouer un autre rêve de ses douze ans, la posséder. Rêve qu'elle partageait.
    Elle trahit son Roi. Comme elle a trahi Guitaut. Elle n'est plus digne d'aimer qui que ce f˚t.
    - Demain, je parlerai au Roi, dit la Reine Anne.
    Elle parla.
    Vous êtes devenu mécréant.
    Vous ne recevez plus les sacrements.
    Vous punissez la vertu.
    Vous menacez la noblesse d'‚me du plus brillant hôte qui vous ait jamais reçu.
    Vous êtes incestueux avec votre belle-súur. J'ai le grand tort d'avoir fermé les yeux.
    Vous allez peupler cette Cour de b‚tards !
    Vous n'êtes plus roi mais vous vous sacrez tyran.
    Vous êtes mon fils.
    Je ne vous verrai plus sans que vous vous amendiez.
    Les larmes montèrent aux yeux de l'Espagnole. que tous les Habsbourg m'aident à convaincre ce Bourbon !
    Le Roi se taisait.
    La Reine se leva. Il fit de même.
    Je quitte cette cour de... Sardanapale. J'y reviendrai quand ce sera celle du Roi que j'ai fait, du Roi enfant dont j'ai fait, moi, le plus grand Roi du monde et qui me doit tout.
    Le Roi blémit.
    Elle a raison, il est coureur, rancunier, vaniteux, mais cette femme l'agace. Il n'est plus un enfant. Nul ne l'a fait. Nul ne le fera plus. Il se fait seul !
    Je préfère, Louis, aller au Val-de-Gr‚ce, car la seule chose dont vous ayez besoin est de prières, celles-là mêmes que vous mépri-sez et ne rendez plus à Dieu. Vous vous montrez à la messe chaque jour ? Ouiche, comme on va au thé‚tre, pour y paraître, pour y jouer, pour tromper le monde.
    Il la regarde, baisse la tête, la relève.
    - Allez, Madame, o˘ vous désirez, votre Roi vous le permet.
    Il resta seul, regardant l'ombre amincie - serait-elle malade ? -
    qui sortait, digne comme une reine d'Espagne.
    Elle le quittait.
    Il s'approcha de la fenêtre. Palefreniers et valets attelaient un carrosse noir, celui-là même dont elle avait demandé qu'on ôt‚t tout ornement.
    Il ne pouvait la rattraper. Le Roi ne court jamais sauf quand il galope pour une maîtresse.
    Marie...
    Il rougit.
    Henriette... Louise... les autres.
    La rattraper est impossible à son orgueil. A son état.
    Colbert le pourrait.

    Oui. Le commis qui proteste et dit oui est là pour courir.
    Il traversa deux pièces sans regarder quiconque, le trouva dans son cabinet avec un secrétaire, qui sortit.
    - Colbert !
    - Oui, Sire.
    - Fouquet sera pendu. Préparez le procès.
    - Mais... oui, Sire.
    - Activez Versailles.
    - Il nous faut bien deux millions pour les débuts.
    - Mazarin les e˚t dénichés, Fouquet les e˚t payés ! Vous les trouverez !
    - Oui, Sire. Ils sont à Vincennes. Je les y ai gardés à l'abri...
    de la Surintendance.
    Le Roi se tut, regarda vers la fenêtre mais sans s'approcher.
    Puis il fixa Colbert dans les yeux :
    - Colbert. Courez et envoyez Guitaut et d'Artagnan, l'un avec douze gardes, l'autre douze mousquetaires, faire escorte à Mme la Reine Mère jusqu'à son nouveau logis du Val-de-Gr‚ce o˘ elle veut faire retraite quelque temps. que les deux capitaines gardent ses portières... et...
    Colbert attendit.
    - Si elle questionne au sujet d'une telle garde d'honneur, qu'ils répondent : " Ordre du roi ! "
    IL se retirait, se retourna, Colbert était encore courbé.
    - Non. qu'ils disent : " Ordre du Roi, votre fils ! " Courez, Colbert, courez !
    Le Roi sortit.
    Seul, il affronta les murmures d'antichambre, la marée de plumets et de gorges, ne regarda personne, rentra en ses appartements, posa canne et épée sur une table italienne incrustée de nacre et de corne.
    Il songeait.
    La lente marche de la dame en noir sortant de son cabinet, rejointe par deux religieuses en cette cour sablonneuse...
    Une autre image venue de loin dans le passé... Il la traquait mais ne pouvait encore la voir. Un fantôme de dame en noir. Il était enfant, et l'image l'avait marqué...
    Marie princesse de Gonzague. Voilà ! De velours et faille noirs, la blancheur du cou tranchée de deux rangs de rubis rouge sang.
    Dans les chères allées de Fontainebleau. Elle

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