Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
Vom Netzwerk:
tout de même ! A cinquante-sept ans ! Mais il est vrai, Son Eminence l'avait remarqué, que le visage souvent inquiet de la Reine s'éclairait, aussi, lorsqu'il apparaissait. Il plaisait, ce vieux gens d'armes.
    Et cette Brassac qui le fait comte ! Mais pourquoi pas ? Oui, pourquoi pas ? Un généalogiste va nous arranger cela. Le Cardinal savait comment, de petit hobereau au nom emprunté d'un vague hameau, on devenait duc et pair. Et ce hameau oublié par les cartes s'était mué, par des millions dépensés et par la gr‚ce du bon architecte Le Mercier, en la ville nouvelle de Richelieu. Une splendeur quasi italienne en plein Poitou. Florence habitée par des paysans et des vaches.
    Guitaut, comte ? Oui, gr‚ce à ce brin de Comminges qui traînait dans la famille comme un vieux meuble hérité d'un ancêtre. Un trait de plume, le cachet du Roi avaient des vertus magiques. Ils muaient, efficace alchimie, un fils de faquin italien en duc et connétable, comme Luynes.
    Le mot italien lui remémora le nom de Mazarini. Le mot faquin aussi. Malgré les souffrances qui ravageaient le fondement de Son Eminence et faisaient s'amonceler les coussins sur chacun de ses sièges, sans parler des onguents que sept mulets (du nom de la monture traditionnelle des médecins) lui administraient avec des gestes indus par la force du lieu malade et des paroles plus onc-tueuses et énervantes que les ingrédients de leurs baumes, la tête fonctionnait. Il fallait préparer le signor Mazarini à de grandes choses. Il serait bon écolier. Il serait un excellent espion, un irrem-plaçable second. Et il était beau. Ce Romain fils de Sicilien ressemblait au très anglais lord duc de Buckingham. Ce qui donnait bien des idées. Le Cardinal qui traitait depuis vingt ans avec les princes protestants d'Allemagne et le roi de Suède pour combattre la très catholique Espagne se montrait fort libéral sur le choix de ses alliés. Nécessité commande ; l'intelligence aussi, et cette dernière ne manquait pas au signor Mazarini.
    La lecture finie, la prise de Saint-Germain par le seigneur de Rueil venait d'être inscrite au rôle des grandes actions d'un esprit fertile et désormais pressé par la fuite du temps accélérée encore par la permanence des souffrances.
    Les quatre dents du Dauphin donnaient de l'appétit à un ogre qui ne pouvait plus se nourrir que de bouillons, après avoir dévoré
    la France.
    Son Eminence se leva, elle pensait mieux en marchant à pas lents ; seul, Richelieu pouvait tramer la patte, s'appuyer à un meuble, non pas se laisser aller, mouvement d'indolence impropre à sa nature, mais se dégourdir, réactiver la faiblesse de ses jarrets, sans que nul n'en soit témoin. Arrivé près de la fenêtre de son cabinet, il contempla le jardin, les gardes, les aumôniers et chapelains qui allaient et venaient ; combien d'affairés, combien d'inutiles ?
    qu'importe ? Tous étaient unis par la crainte qu'il leur inspirait.
    S'ils savaient. Richelieu grimaça un rictus : ils savent mais n'osent le penser tant cela leur paraît impossible alors qu'ils l'espèrent. Ils sont à une table de jeu dont ils n'osent doubler la mise alors qu'elle leur est forcément acquise. C'est ainsi que je gagne.
    Bien s˚r, je perdrai au dernier tirage. La dame noire fauchera le roi rouge.
    Nous verrons.
    quel calme !
    Respirer ce calme comme un air fleuri. Le ventre lui aussi, et plus bas encore, tout est calme dans ce vieux corps. Il aspire l'air confiné du cabinet, ouvre la fenêtre sur le jardin. Un cavalier franchit les allées au galop. Casaque bleue, panache blanc sous la poussière ocrée des routes d'été.

    Hesdin est tombée, n'est-ce pas, Seigneur Dieu des armées ?
    Alors, nous allons à Saint-Germain.
    L'été s'annonçait victorieux pour le Cardinal. Il fut plaisant pour le Dauphin. D'abord il eut la gale. Des cro˚tes sous ses cheveux ch‚tains, et l'on s'aperçut que dans son gigantesque entourage, gigantesque pour un bambin, pas moins de soixante-sept personnes sans les gardes, une femme de chambre était galeuse. Choisie par Mme de Lansac. Un mauvais point. La Reine gronda en castillan, le Cardinal cingla de deux mots, Mme de Lansac rougit, la comtesse de Brassac bicha. Mme de Sénecey trouva le remède, une pommade qui lui venait de sa mère. Les cro˚tes disparurent, les démangeaisons abandonnèrent.
    Le Dauphin ne s'en était jamais plaint. Il s'amusait de ces petits fragments de peau tout secs dessus, purulents

Weitere Kostenlose Bücher