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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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basse que lui de l'autre côté des fossés du Ch‚teau Vieux. De la frangipane de Monsieur, du sourire de Marie, de la fierté de Maman.
    C'était aussi la fête de Papa roi mais Papa n'était pas là. Une ombre, il en avait oublié le visage dans la ronde de ceux plus ravissants qui entouraient Maman reine. C'est Mme de Brassac qui tenait Louis Dieudonné sur le balcon comme s'il se f˚t dressé
    lui-même sur ses jambes potelées. Accroupie derrière lui elle l'en-courageait. Cet honneur lui avait été octroyé contre l'avis de Mme de Lansac, gouvernante en titre, car la comtesse de Brassac avait fait un grand aveu à Sa Majesté la Reine.
    Elle avait parlé du courrier qu'elle se devait de faire parvenir à
    Son Eminence sur tout ce qui concernait le Dauphin et la cour autour du Dauphin. Ne supportant plus cette duplicité cachottière, elle préférait s'en ouvrir à la Reine. Elle ne remplissait cet office d'informatrice, " pas d'espionne, Madame, je dis toujours les grands soins et le grand amour dont vous entourez le Dauphin ", que pour protéger son mari et assurer sa fortune, assujettie au bon vouloir du Cardinal.
    - Je comprends. Je vous remercie de votre franchise.
    Continuez.
    - Madame voudra-t-elle lire ce que j'écris ?
    - Chez moi, contrairement à Rueil, est terre de liberté. Et je sais ce qu'est écrire en secret.
    La Reine avait souri. Brassac était rouge violine.
    - N'en laissez jamais rien paraître.
    Puis, après un instant de réflexion et dans un sourire venu droit des malices de sa jeunesse :
    - Demain pour la Saint-Louis, c'est vous qui présenterez le Dauphin à ceux qui viendront l'acclamer. Je dois bien ce tour à

    votre amie Lansac.
    Mme de Brassac se jeta aux pieds de la Reine. Le " votre amie "
    l'avait conquise par son ironie. Voilà un trait dont le Cardinal n'aurait pas le rapport dans le prochain courrier. Du reste de la conversation non plus.
    Elle tenait le Dauphin sous les vivats. C'est pour lui, pour l'affection de cet enfant, qu'elle avait fait pénitence devant la mère.
    Cette reine aux yeux rieurs d'infante indocile lui en imposait plus que toute impératrice.
    " Mon fils séduit, pensait Anne. Jusqu'à ses ennemis, car cette femme qui le soutient est du clan cardinal, mais elle l'aime comme moi. quel avenir, Nino mio, s'ouvre à toi ! "
    La hauteur bienveillante avec laquelle elle contempla le peuple agenouillé puis lançant en l'air ses chapeaux, des fleurs, du blé
    fraîchement moissonné, lui fut pour une fois naturelle et non imposée. L'aveu de Brassac et l'amour respectueux que tous portaient à son fils la sacraient vraiment reine. Anne se reprocha immédiatement de croire en une telle vérité. L'‚me d'une ex-infante reste à jamais à l'image de la cour d'Espagne au protocole gelé depuis le deuil de Charles quint : ceinte de diamants, ornée d'or, brodée de croix en feu et de fleurs aux pétales de sang, mais vêtue de noir.
    Petit Louis battait tambour comme un suisse ivre.
    Le peuple adressait des prières à Dieu et tendait les bras vers l'enfant comme s'il le suppliait d'intercéder. On dressa des tréteaux dans la cour, distribua pain et vin et victuailles, au risque de faire maigre ce soir : la Reine n'était pas si riche, le Roi était au loin, le Cardinal à Rueil. Louis Dieudonné entendait ce bourdonnement monter vers lui et leva le nez au ciel, d'habitude c'était par là qu'arrivait le tonnerre qui l'envoyait dans les premières jupes à sa portée. Le ciel était pur.
    Il ne jouait plus du tambour qu'on avait fini par lui ôter, profi-tant que son attention filait ailleurs, vers le grand feu de joie que l'on dressait comme à la Saint-Jean avec la paille des blés coupés pour que le soleil e˚t un rival sur terre.
    Des garçons sautèrent par-dessus les brasiers et, ce qui plut davantage, des filles aussi, jupons battant les flammes. Leur toile, leur droguet engendraient des essaims d'escarbilles. Du balcon de la salle des fêtes o˘ Brassac suait à le tenir, il battit des mains puis, las, suça son pouce. Marie de Hautefort le lui retira de la bouche avec une douce gronderie. Lansac observait Sénecey penchée au balcon et dont l'élégante et fine main pommadée s'était posée par crainte du vertige sur le bras de son voisin, Guitaut. Un Guitaut fier, prévenant, et qui recouvrit la main d'une marquise de celle d'un guerrier enfin en paix.
    La Reine remarqua que la modestie de dentelles du corsage de Mme de Sénecey avait raccourci

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