Le lever du soleil

Saumur, tous deux capitaines des gardes de la Reine mère Anne d'Autriche, tous deux chevaliers de l'Ordre en 1661, tous deux *affidés du gouvernement, tous deux employés aux exécutions de confiance les plus délicates. Guitaut (le nôtre) mourut subitement au Louvre, à quatre-vingt-deux ans, en 1663, sans avoir été marié. Cominges, son neveu, son survivancier, fut un homme important toute sa vie. [...] Il commanda en 1652 et 1653 en Italie et en Catalogne. Il alla depuis ambassadeur en Por-tugal et en Angleterre et mourut en mars 1670, à cinquante-sept ans. Il avait épousé la fille d'Amalby, conseiller au parlement de Bordeaux. "
    Et maintenant la vacherie : " Sa mère valait encore moins comme toutes celles de ces Cominges, hors une ou deux. Ils portaient en plein le nom et les armes de Cominges, se prétendaient être descendus des comtes de ce nom ; ils n'en ont pourtant jamais pu en aucun temps prouver aucune filiation ni jonction, et on ne sait quels ils étaient avant 1440. "
    Bien grave péché, on l'avouera, que de ne compter que deux siècles et demi d'histoire ! Et ne pas survivre au décès de ce dernier neveu des Guitaut-Comminges, dont le " guillery " valait le calibre des bombardes et mortiers, et qui " trouvait cette plaisanterie très mauvaise et ne s'en accommoda jamais ". Il eut un frère,
    " fort honnête garçon, qui avait servi sur terre et sur mer, qui avait de l'esprit et s'attacha fort d'amitié au comte de Toulouse. Il avait été fort du grand monde et bien voulu partout. Il se retira les dernières années de sa vie, qu'il passa dans une grande piété. Il était chevalier de Malte et avait une commanderie et une abbaye.
    Leur súur, vieille fille de beaucoup d'esprit aussi, de vertu et assez de monde, voulut faire une fin comme les cochers : elle épousa La Tresne, premier président du parlement de Bordeaux, qui était un très digne magistrat fort ami de mon père, dont elle fut la seconde femme, et n'en eut point d'enfants. Le gouvernement de Saumur, gouvernement fort gros et indépendant de celui de la province, fut donné à d'Aubigny, ce cousin prétendu de Mme de Maintenon. " Fin des Guitaut-Comminges.
    Ce siècle n'en produira plus. que justice leur soit ici rendue.
    Ils durèrent ce que dura le crépuscule de l'ère des rois chevaliers
    - et Louis XILI le Malade en fut le dernier. Ils pouvaient disparaître, quand le royaume sombrait dans la servitude programmée et voulue par l'enfant grandi, conçu une nuit de tempête.
    Le dernier de cette famille d'acteurs discrets de l'Histoire qui ne se fait pas sans eux éteint le nom à jamais trois ans avant que ne meure le roi Louis XIV.
    Ce Roi que notre Guitaut aida à naître un soir de tempête et ainsi alluma la mèche de la grande histoire qui enfanta ce que tous appellent le Grand Siècle. Et qui lui survécut peu.
    LE ROI LOUIS DE GUERRE REVINT...
    Octobre mourait ; la triste Toussaint allait pointer son vilain nez vers le bénitier du jour des Morts.
    L'été passa entre orages, chaleurs, violons, danses et fontaines, pas mal d'ennui aussi, le temps s'étirant ; des dents qui poussent dans de brefs accès de fièvre, on grandit ; la langue forme des mots estropiés joliment ; à petits pas maladroits, on se lance sur les parquets, soutenu par les lisières cousues aux épaules pour vous maintenir droit ; pourpoints et robes battent des mains à ces exploits pourtant bien communs, mais qui pour leur jeune auteur sont autant de premières fois ; on fait la ronde entre jupons virevo-letant malgré l'empesage et canons de dentelles retombant sur les jambes des hommes, les bottes luisent, les visages se penchent pour livrer un sourire de commande, parfois réellement amusé. Et le froid survient.
    Un froid de petites pluies, de nuages maussades, de lumière tombant du ciel, grise, incapable d'atteindre le fond des pièces o˘
    règne une demi-nuit éternelle. Certes, les b˚ches craquent dans les cheminées, les flammes s'élèvent dont on aime le bruit et le lumineux désordre mouvant, c'est une débauche de chandelles en plein midi. Tout cela n'est pas gai, on enterre son premier été. Le triste peut être beau.

    Comme on marche peu, depuis un matin o˘ l'on s'est lancé, l'a-t-on seulement fait exprès, simplement un bijou brillant o˘ se reflétait une flamme de l'‚tre nous a attiré et nous sommes parti à pied comme un grand, au milieu de ces dames qui se sont précipitées dans de hauts cris de joie qui nous ont