Le lever du soleil
tant surpris que nous tomb‚mes sur nos fesses. Maintenant ces dames s'assoient en rond sur des carreaux de velours ou soie, et l'on joue à cache-cache mitoulas :
Mis tout cy, mis tous là,
Est-il chu dans mes draps ?
On marche de l'une à l'autre pour trouver une prune, une noisette, un grain de raisin, un éclat de sucre candi ou de sucre rosat, un brimborion de verre coloré, un affiquet dont on s'est entiché
qui passe de mains en mains, qui tourne et revient et finit dans le creux d'une jupe. Alors il faut fouiller dans la soie et le satin, entendre des encouragements de pure circonstance, des plaisanteries que l'on ne comprend pas encore, trouver le trésor enfoui, recevoir les félicitations et parfois, joie, un baiser de Marie de Hautefort. Marie est la plus gaie.
L'amusement est plaisant un temps, l'enfant recommence, se lasse, ne veut plus chercher. Pourtant les soies et les satins sont parfumés, les dames aident joliment les petites mains à découvrir ce qui n'est pas à chercher, mais niche toutefois en leur giron, en se lançant des úillades et des mots d'esprit sur la manière propre aux garçons de fouiller les filles.
Le Dauphin bénévolent admet que les faire rire ou glousser vaut mieux que de sortir emmitouflé et de contempler le vilain temps dans un carrosse à la Bassompierre, c'est-à-dire muni de glaces plutôt que des mantelets qui laissent passer les vents coulis qui pincent la peau et giflent le bout du nez. Depuis sa Bastille le vieux maréchal a imposé sa mode. Il en serait content.
Cache-cache mitoulas ne remplit pas une vie d'enfant.
Il sent que tous ces sourires s'obligent à paraître devant lui ; mais leur tourne-t-il le dos que les murmures, les chuchotis lui parviennent aux oreilles. que se dit-on ? que craint-on ?
On dit que Richelieu est allé rejoindre le Roi et les armées à
Dijon pour les ramener vers Paris. que le long tête-à-tête du Roi et de son Principal Ministre tant en Bourgogne que sur la route du retour est une meule qui aff˚te des décisions et les lames qui couperont des têtes. Non des haches et des espadons que le bourreau tient à deux mains comme au temps des échafauds, mais des lignes écrites de la main du Roi, qui tremble un peu sur certains mots, griffées d'un simple Louis au bas du papier scellé de cire rouge, comme si l'inspirateur secret voulait, camouflé à l'abri du sceau royal, imposer sa couleur.
Il sera de bonne politique d'accueillir avec chaleur le retour du prince guerrier, qui plus est victorieux, de ne pas outrer cet accueil afin qu'il paraisse sincère et respectueux, que la joie soit présente mais ne déborde pas. Il n'est pas homme à apprécier de trop grands transports. C'est un autre jeu de cache-cache mitoulas, à
l'échelle d'un Roi, à cette variante près qu'on ignore ce qu'on doit chercher, qu'on ne sait ce qu'on trouvera dans les plis du manteau du Roi et de la soutane écarlate. Pas obligatoirement un cadeau, mais une surprise à n'en pas douter.
Le Roi est vainqueur donc il sera glorieux. Il sera bon d'être adorateur du triomphant, sans tomber dans la basse flagornerie.
C'est un métier. Cet été, il fut trop oublié.
Le mot Papa aussi. On le réapprend à l'enfant avec des formules polies, " quelle joie, mon Papa ! " et autres expressions abstraites qu'il répète en un charmant galimatias.
Petit Louis a oublié le visage attaché au mot Roi et le mot papa ne représente plus rien. Une entité qu'il sait exister mais plus un être de sang et de chair. Une ombre triste, au sourire étrange, parfois lui revient. Il a le souvenir d'un silence essoufflé.
Le Roi sera reçu à Fontainebleau, résidence plus proche que Saint-Germain quand on revient de l'Est et de Savoie. Et peu après la Toussaint, on fête la Saint-Hubert. Fontainebleau à la forêt giboyeuse est un paradis pour courre le cerf. Son ch‚teau se montre plus confortable aussi que Saint-Germain, sans cette esplanade battue par les vents qu'il faut traverser pour aller chez Maman, mais avec un escalier majestueux qui tourne comme un fer à cheval dans la grande cour dite du Cheval blanc, o˘ peuvent se déployer les cavaliers. Le Roi a choisi cet endroit pour reprendre pied chez lui et revoir son fils. Il l'a fait savoir, il l'exige.
Et puis Fontainebleau est tout aussi loin de Paris, o˘ il faudra aller aussi pour le toucher des écrouelles. Toucher les plaies des scrofuleux, les bubons, les impétigos, " Le Roi te touche, Dieu te
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