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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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enseigne portant le fanion de son régiment : une serviette de son go˚ter et tachée de confiture o˘ Maman reine avait fait broder trois lys de France. Mme de Sénecey et Mme de Hautefort, empruntant pourpoints, chausses et bottes à valets et seigneurs, étaient travesties en courrier et en page.
    Grand péché que de se vêtir en homme, Mme de Sénecey ne l'ignorait point, mais elle se souvenait de la belle Chevrette de Chevreuse traversant la Loire puis le Languedoc vêtue en fringant cavalier pour échapper, aux portes des villes o˘ elle faisait étape, aux sbires cardinalices qui la voulaient saisir et la mener de force en un couvent, et gagnant l'Espagne o˘ Fontrailles, ambassadeur itinérant et tordu, la dit maîtresse du Roi. Après tout, cet amusement uniquement destiné à un enfant qui régnerait sur la France par la Gr‚ce de Dieu lui accorderait, elle l'espérait, auprès du Seigneur et de son Eglise terrestre, une bienveillante indulgence.
    Et puis elles étaient si jolies, toutes les deux, vêtues en élégants muguets. Les regards suivaient leurs jambes bottées et moulées de velours ornées sous le genou de canons de dentelles. Les aumôniers piquaient du nez devant une telle transgression qui autrefois méritait le b˚cher, les gentilshommes frisaient leurs moustaches.
    Dans un coin, Guitaut souriait, conseillait et vérifiait la bonne ordonnance de la parade. On réussit enfin à aligner quelque peu les bichons récalcitrants à force de cajoleries et de sucreries. Plus indisciplinés que des mercenaires poméraniens ne touchant pas leur solde ! Il sembla à Guitaut qu'ils jappaient en allemand.
    L'enseigne Louis Dieudonné de France était aux anges et voulut troquer son fanion contre son cher tambour.
    C'en furent d'autres qui battirent la marche du côté de la cour du Cheval blanc.
    Guitaut s'assombrit. Jamais un Roi n'arrivait sans se faire annoncer par un peloton de courriers. Sa Majesté suspicieuse avait voulu surprendre, elle surprenait. Elle comptait deux jours d'avance sur le calendrier.
    " Ne paraissez pas ainsi " fut la seule phrase qu'il e˚t le temps de chuchoter à Mme de Sénecey.
    Les grands yeux bleus acquiescèrent, subitement apeurés. Pour la première fois, Guitaut, qui savait désormais y lire comme en son manuel d'escrime, y décela une vraie crainte.
    Il la partageait.
    Pour prévenir Hautefort il était trop tard. Marie, page insolent, se campait déjà sur le perron.
    Les tambours montés, les gardes, le carrosse du Roi, et point celui du Cardinal qui avait poussé jusqu'à Rueil, épuisé par le voyage, chiant du sang. Et puis, outre la maladie, autant être absent d'ici après avoir laissé une liste de recommandations, modestes propositions au Roi, pour assainir l'entourage du Dauphin, espoir de la France.
    L'une d'elles concernait Marie de Hautefort. L'inclination ancienne (cinq ans !) qui murmurait des moqueries à l'oreille de la Reine, et dont Richelieu savait par La Chesnaye, valet réintégré
    en huissier, plus que par Brassac son épistolière régulière, que Sa Majesté Anne lui offrait désormais le couvert dans ses propres appartements, voire certaines nuits de papotage dans sa chambre.
    La seule ici qui p˚t, auprès du Roi, ébrécher l'influence de son pantin élégant, Cinq-Mars, marionnette et favori.
    Cinq-Mars qui sauta du carrosse du Roi pour tendre la main et aider Sa Majesté à descendre.
    Le Roi était altier, droit, le visage rosé, on avait maintenu les mantelets ouverts aux portes du carrosse pour que l'air froid et sec lui fouett‚t le visage et lui donn‚t des roseurs de teint. La guerre lui avait été une excellente médecine, et les victoires les meilleures purgations de tous ses embarras. Ainsi avait-il décidé
    d'apparaître. Et il apparaissait vraiment en Roi s'en revenant de guerre, l'ennemi défait, sur la Somme, et en Savoie, son royaume agrandi de quelques acres de territoire et d'autant de places fortes, et dépeuplé de trois régiments tués et de villages laissés à la folie meurtrière des tercios en retraite.
    Seul et sans ministre. Sans ombre donc. Resplendissant dans le temps maussade. Accompagné d'un favori brillant de bijoux, de broderies et de cuir souple, un soleil de velours gris.
    Un retour de voyage de noces ou de lune de miel pourtant sanglante, pensa Guitaut en se le reprochant aussitôt.
    Guitaut était sur le perron, avec les dames de la Reine, celles du Dauphin, deux gardes, les aumôniers dont le

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