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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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Brassac.
    - Des redites et des rab‚chages. Ce n'est pas du sujet de leurs écrits que je voulais vous entretenir.
    - Je vous écoute, Monseigneur.
    - Mon cher Mazarini, le pape vous accordera le chapeau de cardinal, à n'en point douter. Et pour activer l'affaire, je vais vous renvoyer à Munster, en Westphalie, que vous connaissez déjà, et nous ferons grand bruit sur les prémisses d'un traité de paix... à
    venir bien s˚r, car il nous manque encore quelques conquêtes.
    Mais pour Sa Sainteté et ses espions, que vous connaissez tous puisque vous en f˚tes, vous paraîtrez comme l'artisan de ce traité
    encore à naître... d'o˘ votre chapeau assuré.
    Mazarin ne dit mot, attendit.
    - Nous parlions de naître. Il est né, à la cour de France que je désire que vous considériez maintenant comme votre vraie patrie, un Dauphin puis un autre petit prince. A moins d'épidémie, ou de meurtre, la succession du Roi est assurée. La mienne non.
    Par la force des choses et de ma prélature. Mais si je ne puis engendrer, je peux désigner. Et vous êtes mon successeur désigné, Monsieur " de " Mazarin. Voici vos lettres de naturalité, signées par moi et par le Roi. Vous pouvez donc faire affaires dans le royaume, y posséder des terres, obtenir des revenus ecclésiastiques, et l'abbaye de Corbie, nom cher au cúur du Roi, vous siérait car c'est un des plus beaux revenus de France et vous aurez besoin d'argent. On a toujours besoin d'argent pour gouverner et paraître puissant. Ne me remerciez pas, ne jouez pas l'ancien serviteur des princes Colonna, désormais vous êtes presque ministre du plus puissant roi d'Europe et donc de la terre. Vous entrerez au Conseil dès demain matin.
    - Mais le marquis de Cinq-Mars vient d'en être interdit par Votre Eminence.
    - Cinq-Mars est un gamin, un lampion pour amuser la Cour en temps de carnaval, une poupée pour occuper les humeurs du Roi. Cinq-Mars n'est rien sinon un bichon, une fanfreluche. Vous êtes un outil, un cerveau, soyez une volonté.
    Mazarin fut un silence. Mazarin resta immobile debout, raide, fixant le ministre au milieu de trop de coussins en son fauteuil.
    La voix se fit plus rauque et plus basse, Richelieu ne regardait plus Mazarini mais par la fenêtre ses vignes de Rueil qu'on vendangeait.
    - Le vin ne sera pas meilleur que l'année passée mais, qu'importe, toute la Cour en boira, pour me satisfaire, comme elle a applaudi ma tragédie Mirante, qui, je dois le reconnaître, n'est pas du Corneille, et sans oser une seule grimace. (Il rit.) Je m'en suis montré bien glorieux, bien souriant, jusqu'au bord du ridicule...
    Sans en avoir écrit plus de dix vers. Ceux-là mêmes dirigés en piques, disons en pointes d'épingle, contre Sa Majesté la Reine.
    Mais Mirame est un torchon. Un torchon politique, mais c'est tout.
    Bien. Cessons cette digression et évoquons une vraie tragédie.
    Mazarini, je vais mourir avant deux ans. Le Roi ne se porte guère mieux. Le Dauphin a trois ans, son frère Philippe d'Anjou un. La Reine sera régente. J'ai connu deux régentes. Catherine de Médicis, et la France fut à feu et à sang, ses fils assassinés, les huguenots massacrés... J'ai connu la veuve du roi Henri, Marie de Médicis. Elle m'a fait, je l'ai trahie car elle trahissait l'idée d'un royaume indépendant et uni. Elle fut une reine sans vision et une mère sotte, elle a préféré Gaston à Louis. Servez Louis, éloignez Gaston le plus que vous pourrez. Surtout des appartements des enfants royaux... Monsieur sent la frangipane mais rêve d'arsenic.
    - Mais, Monseigneur, je ne suis rien et ne peux rien.
    - Si. Vous êtes mon héritier. Non de mes biens, ils iront à la France, et à ma délicieuse nièce. Mais de mon pouvoir. Voici la lettre testamentaire que je remettrai moi-même au Roi quand je sentirai l'agonie ouvrir le long corridor noir au bout duquel on dit briller la seule Vraie Lumière. Lisez-la ! Ne la lisez qu'une fois, ensuite elle sera scellée à jamais jusqu'à mon avant-dernier souffle, quand elle atteindra son destinataire. Lisez, Colmardo !
    N'en oubliez pas un mot. Et asseyez-vous, je vous déteste plus haut que moi. (Cela dit dans un grand sourire.) Déjà que vous avez l'outrecuidance de votre santé ! Je vous la pardonne, elle sert la France.
    Mazarin s'assit dans une chaise à bras à tapisserie de soie et pieds dorés.
    - Vous présentez ainsi la figure d'un convenable ministre.
    Non, pas de merci, lisez.
    Mazarin, studieux

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