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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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vingt ans, lui aussi. Ils ne lui feront plus grand usage.
    LE SACRE DE SANG

    La Reine veillait sur ses enfants, vêtue de noir. Comme chaque nuit qu'elle décidait de passer au Ch‚teau Vieux, délaissant ses appartements du Ch‚teau Neuf. Elle ne sentait la vie que près de ses fils. Les contes sombres qu'on lui débita dans son enfance ensoleillée mais tant tranchée d'ombres étranges lui rappelaient parfois les malheurs qui attendaient les enfants turbulents. Louis et Philippe l'étaient, à son avis, délicieusement. Mais ce n'était pas ces insolences et mauvaises actions - bien vénielles - de chenapans royaux qui tenaient Sa Majesté Anne en état d'alarme. Le présent était pesant, menaçant. Il n'y a pas si longtemps, les dernières nouvelles de Rueil l'eussent réjouie : le corps de Son Eminence se couvrait d'ulcères et d'abcès. Son ennemi allait crever.
    Anne savait aussi que cet ennemi n'en était plus un, du moins n'était-il pas l'ennemi de Louis le Dauphin. Bien au contraire. Et les cadeaux, les colifichets destinés au Dauphin et son frère, les gants parfumés de jasmin qu'il chargeait Mazarin de lui faire parvenir de Rome pour ses belles mains, montraient un autre Richelieu, plus sincère en mourant à petit feu. Le Principal Ministre traitait Anne en Reine, un peu plus qu'épouse de Roi, mère de Roi. Mourante, l'ombre rouge, désormais squelettique et dont toute chair, tout muscle étaient souffrance ou purulence qu'on-guents, fards, gaze, sous les dentelles, peinaient à cacher tant elles se révélaient par leur douce‚tre pestilence, affichait la plus grande courtoisie envers la mère de celui qui serait bientôt Louis Le quatorzième. Et donc la régente de France.
    Car le Roi n'allait guère mieux que son ministre aux abcès. Le ventre, toujours le ventre. Ce ventre, royaume des Reines qui portent des Dauphins, était cette fois le principal souci d'un Roi qui lui aussi s'aventurait vers les bords, les rivages de l'agonie. Le sien, son ventre de femme, avait donné un futur au royaume, le ventre du Roi allait enterrer le passé avec son possesseur, en le tuant.
    Il y avait là de quoi garder en éveil une ancienne beauté aux entichements hasardeux, aux souvenirs familiaux sincères ; aux amours fraternelles traîtresses.
    La reine de France était en deuil d'un ennemi de ses deux tour-menteurs. Le Cardinal-Infant, frère cadet tant chéri, était mort en novembre. Anne, depuis deux mois, se vêtait de noir, grand deuil de súur aimante, mais dissimulait désormais son reste d'accent venu de Castille pour parler le français si pur des Tourangeaux et des Blaisois. Stèle sur la jeune dona Ana, disparue à jamais. Anne d'Autriche se voulait Anne de France. Plus de cantilènes et berceuses aux raucités de sierras, au verdoiement des jardins d'Alca-zar pour les deux fils de France. Mais des couplets médiévaux, Rutebeuf pleurant ses amis, bergères rentrant leurs blancs moutons, chevaliers errants vers des princesses pures comme Graal ou dangereuses comme sorcières... Sonnets mièvres et énamourés des Modernes, ces précieux.

    Un portrait du Cardinal avait été placé dans son antichambre.
    Vingt ans auparavant il en e˚t été fou, e˚t joué les muguets - elle sourit, avait-il été assez ridicule ; aujourd'hui, il savait la présence de ce nouveau meuble dans les appartements de Sa Majesté et sans le dire s'en montrait ému. Et ce portrait, elle le contemplait désormais sans angoisse, ni haine. Avec une espèce de sérénité.
    Elle y trouvait même une force qu'elle s'ignorait posséder. Cet homme vieillissant malgré la flatterie du pinceau du peintre légue-rait le royaume à Louis Dieudonné, oui, le don du pouvoir viendrait plus de lui que de l'autre vieillard couronné qui siégeait encore, tordu de souffrances intestines, sur le trône de France.
    Elle n'avait jamais eu d'amour pour lui, mais elle se reconnaissait désormais une tendresse. Une tendresse inconnue. Une sympathie, mot savant chéri des derniers sonnets à la mode.
    Cinq-Mars complotait, avec Gaston, ce vieux gamin qui serait blet sans avoir m˚ri. Avec le duc de Bouillon aussi, qui tenait Sedan. Cinq-Mars voulait évincer l'ombre rouge aux ulcères. Il savait que la Reine savait, par Gaston, et lui offrait drageoirs et confitures, baume de Venise, jouait avec les enfants. Il la croyait acquise à ses vues. Gaston l'en avait assuré. Mais Gaston avait menti par omission, elle avait prié Monsieur de ne

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