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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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grosse d’enfant et
que même le sens remuer, je voue qu’il ne sortira de mon corps que vous ne
m’ayez menée outremer pour accomplir votre vœu…
    Sa voix tremblait légèrement, comme
au jour de ses noces.
    — … mais s’il advenait,
ajouta-t-elle, que vous me laissiez ici, et partiez outre-mer avec d’autres,
alors je m’occirais d’un grand couteau d’acier pour perdre à la fois et mon âme
et mon fruit !
    Ceci fut prononcé sans emphase, mais
bien clairement pour que chacun en fût averti. On évitait de regarder la
comtesse de Salisbury. Le roi baissa ses longs cils, prit la main de la reine,
la porta à ses lèvres et dit dans le silence, pour rompre le malaise :
    — Ma mie, vous nous donnez à
tous leçon de devoir. Après vous, personne ne vouera.
    Puis à Robert :
    — Mon cousin d’Artois, prenez
votre place auprès de Madame la reine.
    Un écuyer partagea le héron dont la
chair était dure pour avoir été cuite trop fraîche, et froide d’avoir si
longtemps attendu. Chacun néanmoins en mangea une bouchée. Robert trouva à sa
chasse une exquise saveur : la guerre, ce jour-là, était vraiment
commencée.
     

VI

LES MURS DE VANNES
    Et les vœux prononcés à Windsor
furent tenus.
    Le 16 juillet de la même année 1338,
Édouard III prenait la mer à Yarmouth, avec une flotte de quatre cents
vaisseaux. Le lendemain il débarquait à Anvers. La reine Philippa était du
voyage, et de nombreux chevaliers, pour imiter Gautier de Mauny, avaient l’œil
droit caché par un losange de drap rouge.
    Ce n’était pas encore le temps des
batailles, mais celui des entrevues. À Coblence, le 5 septembre, Édouard
rencontrait l’empereur d’Allemagne.
    Pour cette cérémonie, Louis de
Bavière s’était composé un étrange costume, moitié empereur, moitié pape,
dalmatique de pontife sur tunique de roi, et couronne à fleurons scintillant
autour d’une tiare. D’une main il tenait le sceptre, de l’autre le globe
surmonté de la croix. Ainsi s’affirmait-il comme le suzerain de la chrétienté
entière.
    Du haut de son trône, il prononça la
forfaiture de Philippe VI, reconnut Édouard comme roi de France et lui
remit la verge d’or qui le désignait comme vicaire impérial. C’était là encore
une idée de Robert d’Artois qui s’était rappelé comment Charles de Valois,
avant chacune de ses expéditions personnelles, prenait soin de se faire
proclamer vicaire pontifical. Louis de Bavière jura de défendre, pendant sept
ans, les droits d’Édouard, et tous les princes allemands venus avec l’Empereur
confirmèrent ce serment.
    Cependant Jakob Van Artevelde
continuait d’appeler à la révolte les populations du comté de Flandre, d’où
Louis de Nevers s’était enfui, définitivement. Édouard III alla de ville
en ville, tenant de grandes assemblées où il se faisait reconnaître roi de
France. Il promettait de rattacher à la Flandre Douai, Lille, l’Artois même,
afin de constituer, de tous ces territoires aux intérêts communs, une seule
nation. L’Artois étant cité dans le grand projet, on devinait bien qui l’avait
inspiré et en serait, sous tutelle anglaise, le bénéficiaire.
    En même temps, Édouard décidait
d’augmenter les privilèges commerciaux des cités ; au lieu de réclamer des
subsides, il accordait des subventions, et il scellait ses promesses d’un sceau
où les armes d’Angleterre et de France étaient conjointement gravées.
    À Anvers, la reine Philippa donna le
jour à son second fils, Lionel.
    Le pape Benoît XII multipliait
vainement en Avignon ses efforts de paix. Il avait interdit la croisade pour
empêcher la guerre franco-anglaise, et celle-ci maintenant n’était que trop
certaine.
    Déjà, entre avant-gardes anglaises
et garnisons françaises, se produisaient de grosses escarmouches, en Vermandois
et en Thiérache, auxquelles Philippe VI ripostait en envoyant des
détachements en Guyenne et d’autres jusqu’en Écosse pour y fomenter la
rébellion au nom du petit David Bruce.
    Édouard III faisait la navette
entre la Flandre et Londres, engageant aux banques italiennes les joyaux de sa
couronne afin de subvenir à l’entretien de ses troupes comme aux exigences de
ses nouveaux vassaux.
    Philippe VI, ayant levé l’ost,
prit l’oriflamme à Saint-Denis et s’avança jusqu’au-delà de Saint-Quentin,
puis, à une journée seulement d’atteindre les Anglais, il fit faire demi-tour à
toute son armée et alla

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