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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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de
Dieu pour apaiser le grand trouble qui l’agitait, il passa plusieurs heures
dans une église voisine ; puis il regagna le château Saint-Ange. Il avait
demandé son ami Guidarelli ; mais il fut prié de ne s’entretenir avec
personne avant d’avoir revu le tribun. Il attendit, seul jusqu’au soir, qu’on
vînt le chercher. Il semblait que Cola de Rienzi ne traitât ses affaires que de
nuit.
    Giannino retourna donc au Capitole
où le tribun l’entoura de plus grands égards encore que la veille et s’enferma
de nouveau avec lui.
    Cola de Rienzi avait son plan de
campagne qu’il exposa : il adressait immédiatement des lettres au pape, à
l’Empereur, à tous les souverains de la chrétienté, les invitant à lui envoyer
leurs ambassadeurs pour une communication de la plus haute importance, mais
sans laisser percer la nature de cette communication ; puis, devant tous
les ambassadeurs réunis en une audience solennelle, il faisait apparaître
Giannino, revêtu des insignes royaux, et le leur désignait comme le véritable
roi de France… Si le noblissime Seigneur lui donnait son accord, bien entendu.
    Giannino était roi de France depuis
la veille, mais banquier siennois depuis vingt ans ; et il se demandait
quel intérêt Rienzi pouvait avoir à prendre ainsi parti pour lui, avec une impatience,
une fébrilité presque, qui agitait tout le grand corps du potentat. Pourquoi,
alors que depuis la mort de Louis X quatre rois s’étaient succédé au trône
de France, voulait-il ouvrir une telle contestation ? Était-ce simplement,
comme il l’affirmait, pour dénoncer une injustice monstrueuse et rétablir un
prince spolié dans son droit ? Le tribun livra assez vite le bout de sa
pensée.
    — Le vrai roi de France
pourrait ramener le pape à Rome. Ces faux rois ont de faux papes.
    Rienzi voyait loin. La guerre entre
la France et l’Angleterre, qui commençait à tourner en guerre d’une moitié de
l’Occident contre l’autre, avait, sinon pour origine, au moins pour fondement
juridique, une querelle successorale et dynastique. En faisant surgir le
titulaire légitime et véritable du trône de France, on déboutait les deux
autres rois de toutes leurs prétentions. Alors, les souverains d’Europe, au
moins les souverains pacifiques, tenaient assemblée à Rome, destituaient le roi
Jean II et rendaient au roi Jean I er sa couronne. Et
Jean I er décidait le retour du Saint-Père dans la Ville
éternelle. Il n’y avait plus de visées de la cour de France sur les terres
impériales d’Italie ; il n’y avait plus de luttes entre Guelfes et
Gibelins ; l’Italie, dans son unité retrouvée, pouvait aspirer à reprendre
sa grandeur de jadis ; enfin le pape et le roi de France, s’ils le
souhaitaient, pouvaient même, de l’artisan de cette grandeur et de cette paix,
de Cola de Rienzi, fils d’empereur, faire l’Empereur, et pas un empereur à l’allemande,
un empereur à l’antique ! La mère de Cola était du Trastevere, où les
ombres d’Auguste, de Titus, de Trajan, se promènent toujours, même aux
tavernes, et y font lever les rêves…
    Le lendemain 4 octobre, au cours
d’une troisième entrevue, celle-ci dans la journée, Rienzi remettait à
Giannino, qu’il appelait désormais Giovanni di Francia, toutes les pièces de
son extraordinaire dossier : la confession de la fausse mère, le récit du
Frère Jourdain d’Espagne, la lettre du Frère Antoine ; enfin, ayant appelé
un de ses secrétaires, il commença de dicter l’acte qui authentifiait le
tout :
    — Nous, Cola de Rienzi,
chevalier par la grâce du Siège apostolique, sénateur illustre de la Cité
sainte, juge, capitaine et tribun du peuple romain, avons bien examiné les
pièces qui nous ont été délivrées par le Frère Antoine, et nous y avons
d’autant plus ajouté foi qu’après tout ce que nous avons appris et entendu,
c’est en effet par la volonté de Dieu que le royaume de France a été en proie,
pendant de longues années, tant à la guerre qu’à des fléaux de toutes sortes,
toutes choses que Dieu a permises, nous le croyons, en expiation de la fraude
qui a été commise à l’égard de cet homme, et qui a fait qu’il a été longtemps
dans l’abaissement et la pauvreté…
    Le tribun semblait plus nerveux que
la veille ; il s’arrêtait de dicter chaque fois qu’un bruit non familier
parvenait à son oreille, ou au contraire qu’un silence un peu long
s’établissait. Ses gros

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