Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
traits exacts du visage de la reine, pour autant qu’ils se
fussent inscrits dans sa mémoire d’enfant. Il se rappelait seulement
l’apparition d’une femme merveilleusement belle, tout en blanc dans le costume
des reines veuves, et qui lui avait posé sur le front une main distraite et
rose… « Et je n’ai pas su que j’étais devant ma mère. Et elle, jusqu’à son
dernier jour, a cru son fils mort… »
    Ah ! cette comtesse Mahaut
était une bien grande criminelle, pour avoir non seulement assassiné un
innocent nouveau-né, mais encore jeté dans tant d’existences le désarroi et le
malheur !
    L’impression d’irréalité de sa
personne avait à présent disparu chez Giannino pour faire place à une sensation
de dédoublement tout aussi angoissante. Il était lui-même et un autre, le fils
du banquier siennois et le fils du roi de France.
    Et sa femme, Francesca ? Il y
pensa soudain. Qui avait-elle épousé ? Et ses propres enfants ? Alors
ils descendaient de Hugues Capet, de Saint Louis, de Philippe le Bel ?
    — Le pape Jean XXII devait
avoir eu vent de cette affaire, reprit Cola de Rienzi. On m’a rapporté que
certains cardinaux dans son entourage chuchotaient qu’il doutait que le fils du
roi Louis X fût mort. Simple présomption, pensait-on, comme il en court
tellement et qui ne paraissait guère fondée, jusqu’à cette confession in
extremis de votre mère adoptive, votre nourrice, qui fit promettre au moine
augustin de vous rechercher et vous apprendre la vérité. Toute sa vie, elle
avait, par son silence, obéi aux ordres des hommes : mais à l’instant de
paraître devant Dieu, et comme ceux qui lui avaient imposé ce silence étaient
décédés sans l’avoir relevée du serment, elle voulut se délivrer de son secret.
    Et Frère Jourdain d’Espagne, fidèle
à la promesse donnée, s’était mis à la recherche de Giannino ; mais la
guerre et la peste l’avaient empêché d’aller plus loin que Paris. Les Tolomei
n’y tenaient plus comptoir. Frère Jourdain ne se sentait plus en âge
d’entreprendre de longs voyages.
    — Il remit donc confession et
récit, reprit Rienzi, à un autre religieux de son ordre, le Frère Antoine,
homme d’une grande sainteté qui a accompli plusieurs fois le pèlerinage de Rome
et qui m’était venu visiter précédemment. C’est ce Frère Antoine qui, voici
deux mois, se trouvant malade à Porto Vénère, m’a laissé connaître tout ce que
je viens de vous apprendre, en m’envoyant les pièces et son propre récit. J’ai un
moment hésité, je vous l’avoue, à croire toutes ces choses. Mais, à la
réflexion, elles m’ont paru trop extraordinaires et fantastiques pour avoir été
inventées ; l’imagination humaine ne saurait aller jusque-là. C’est la
vérité souvent qui nous surprend. J’ai fait contrôler les dates, recueillir
divers indices, et envoyé à votre recherche ; je vous ai d’abord adressé
ces émissaires qui, faute d’être porteurs d’un écrit, n’ont pu vous convaincre
de venir à moi ; et enfin, je vous ai mandé cette lettre grâce à laquelle,
mon grandissime Seigneur, vous vous trouvez ici. Si vous voulez faire valoir
vos droits à la couronne de France, je suis prêt à vous y aider.
    On venait d’apporter un miroir
d’argent. Giannino l’approcha des grands candélabres, et s’y regarda longuement.
Il n’avait jamais aimé son visage ; cette rondeur un peu molle, ce nez
droit mais sans caractère, ces yeux bleus sous des sourcils trop pâles,
était-ce là le visage d’un roi de France ? Giannino cherchait, dans le
fond du miroir, à dissiper le fantôme, à se reconstituer…
    Le tribun lui posa la main sur
l’épaule.
    — Ma naissance aussi, dit-il
gravement, fut longtemps entourée d’un bien singulier mystère. J’ai grandi dans
une taverne de cette ville ; j’y ai servi le vin aux portefaix. Je n’ai su
qu’assez tard de qui j’étais le fils.
    Son beau masque d’empereur, où seule
la narine droite frémissait, s’était un peu affaissé.
     

III

« NOUS, COLA DE RIENZI… »
    Giannino, sortant du Capitole à
l’heure où les premières lueurs de l’aurore commençaient à ourler d’un trait
cuivré les ruines du Palatin, ne rentra pas dormir au Campo dei Fiori. Une
garde d’honneur, fournie par le tribun, le conduisit de l’autre côté du Tibre,
au château Saint-Ange où un appartement lui avait été préparé.
    Le lendemain, cherchant l’aide

Weitere Kostenlose Bücher