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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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c’est à peine
si je puis tout furtivement me rendre à Gand tant le pays est en rébellion.
    Alors Philippe de Valois abattit sa
large paume sur le bras du trône, geste qu’il avait vu bien souvent faire à
Philippe le Bel et qu’il reproduisait, inconsciemment, tant son oncle avait été
l’incarnation véritable de la majesté.
    — Louis, mon beau cousin,
déclara-t-il lentement et fortement, nous vous tenons pour comte de Flandre,
et, par les dignes onctions et sacrement que nous recevons aujourd’hui, vous
promettons que jamais ne prendrons paix ni repos avant que de vous avoir remis
en possession de votre comté.
    Alors le comte de Flandre
s’agenouilla et dit :
    — Sire, grand merci.
    Et la cérémonie continua.
    Robert d’Artois clignait de l’œil à
ses voisins, et l’on comprit alors que cet esclandre était coup monté.
Philippe VI tenait les promesses faites par Robert pour assurer son
élection. Philippe d’Évreux apparaissait ce même jour, sous son manteau de roi
de Navarre.
    Aussitôt après la cérémonie, le roi
réunit les pairs et barons, les princes de sa famille, les seigneurs d’au-delà
du royaume venus assister à son sacre, et, comme si l’affaire ne souffrait une
heure d’attente, il délibéra avec eux du moment où il irait attaquer les
rebelles de Flandre. Le devoir d’un roi preux est de défendre le droit de ses
vassaux ! Quelques esprits prudents, estimant que le printemps était déjà
fort avancé et qu’on risquait de n’être prêt qu’à la mauvaise saison – ils
avaient encore en mémoire l’ost boueux de Louis Hutin – conseillaient de
remettre l’expédition à un an. Le vieux connétable Gaucher leur fit honte en
s’écriant d’une voix forte :
    — Qui bon cœur a pour la
bataille, toujours trouve le temps convenant !
    À soixante-dix-huit ans, il
éprouvait quelque hâte à commander sa dernière campagne, et ce n’était pas pour
tergiverser de la sorte qu’il avait accepté de se dessaisir tout à l’heure du
glaive de Charlemagne.
    — Ainsi l’Anglois, qui est
par-dessous cette rébellion, prendra bonne leçon, dit-il encore en grommelant.
    Ne lisait-on pas, dans les romans de
chevalerie, les exploits des héros de quatre-vingts ans, capables de renverser
leurs ennemis en bataille et de leur fendre le heaume jusqu’à l’os du
crâne ? Les barons allaient-ils montrer moins de vertu que le vieux
vétéran impatient de partir en guerre avec son sixième roi ?
    Philippe de Valois, se levant,
s’écria :
    — Qui m’aime bien me
suivra !
    Dans le mouvement général
d’enthousiasme qui suivit cette parole, on décida de convoquer l’ost pour la
fin juillet, et à Arras, comme par hasard. Robert allait pouvoir en profiter
pour remuer un peu le comté de sa tante Mahaut.
    Et de la sorte, au début d’août, on
entra en Flandre.
    Un bourgeois du nom de Zannequin
commandait les quinze mille hommes des milices de Fumes, de Dixmude, de
Poperingue et de Cassel. Voulant prouver qu’il savait les usages, Zannequin
adressa un cartel au roi de France pour lui demander jour de bataille. Mais
Philippe méprisa ce manant qui prenait des manières de prince, et fit répondre
aux Flamands qu’étant gens sans chef ils auraient à se défendre comme ils
pourraient. Puis il envoya ses deux maréchaux, Mathieu de Trye et Robert
Bertrand, dit « le chevalier au Vert Lion », incendier les environs
de Bruges.
    Quand les maréchaux rentrèrent ils
furent grandement félicités ; chacun se réjouissait de voir au loin de
pauvres maisons flamber. Les chevaliers désarmés, vêtus de riches robes, se
faisaient visite d’une tente à l’autre, mangeaient sous des pavillons de soie
brodée, et jouaient aux échecs avec leurs familiers. Le camp français
ressemblait tout à fait au camp du roi Arthur dans les livres à images, et les
barons se prenaient pour autant de Lancelot, d’Hector et de Galaad.
    Or il arriva que le vaillant roi,
qui préférait prévenir plutôt qu’être prévenu, dînait en compagnie,
joyeusement, quand les quinze mille hommes de Flandre envahirent son camp. Ils
brandissaient des étendards peints d’un coq sous lequel était écrit :
    Le jour que ce coq chantera
    Le roi trouvé ci entrera.
    Ils eurent tôt fait de ravager la
moitié du camp, coupant les cordes des pavillons, renversant les échiquiers,
bousculant les tables de festin et tuant bon nombre de seigneurs.
    Les troupes d’infanterie

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