Le Lis et le Lion
portée
par quatre babouins, le tout pour quatre cent quinze livres. Vendus à
Monseigneur d’Artois, comte de Beaumont !
— Une boursette brodée d’or,
semée de perles et de doubles, et dedans la bourse il y a un saphir d’Orient.
Prisée seize livres. Vendue au roi !
La compagnie des Bardi acheta la
pièce la plus chère : une bague portant le plus gros rubis de Clémence de
Hongrie et estimée mille livres. Ils n’avaient pas à la payer, puisque cela
viendrait en diminution de leurs créances, et ils étaient sûrs de pouvoir la
revendre au pape lequel, autrefois leur débiteur, disposait maintenant d’une
fabuleuse richesse.
Robert d’Artois, comme pour prouver
que les hanaps et autres services à boire n’étaient pas son seul souci, acquit
encore une bible en français, pour trente livres.
Les habits de chapelle, tuniques,
dalmatiques, furent achetés par l’évêque de Chartres.
Un orfèvre, Guillaume le Flament,
eut à bon compte le couvert en or de la reine défunte.
Des chevaux de l’écurie, on tira six
cent quatre-vingt-douze livres. Le char de Madame Clémence et le char de ses
demoiselles suivantes furent mis aussi à l’encan.
Et quand tout fut enlevé de l’hôtel
du Temple, on eut le sentiment de fermer une maison maudite.
Il semblait vraiment cette année-là
que le passé s’éteignait, comme de lui-même, pour faire place nette au nouveau
règne. L’évêque d’Arras, Thierry d’Hirson, chancelier de la comtesse Mahaut,
mourut au mois de novembre. Il avait été pendant trente ans le conseiller de la
comtesse, un peu son amant aussi, et son serviteur en toutes ses intrigues. La
solitude s’installait autour de Mahaut. Robert d’Artois fit nommer au diocèse
d’Arras un ecclésiastique du parti Valois, Pierre Roger [6] .
Tout était défavorable à Mahaut,
tout se montrait favorable à Robert dont le crédit ne cessait de grandir, et
qui accédait aux suprêmes honneurs.
Au mois de janvier 1329,
Philippe VI érigeait en pairie le comté de Beaumont-le-Roger ; Robert
devenait pair du royaume.
Le roi d’Angleterre tardant à rendre
son hommage, on décida de saisir à nouveau le duché de Guyenne. Mais avant de
mettre la menace à exécution armée, Robert d’Artois fut envoyé en Avignon pour
obtenir l’intervention du pape Jean XXII.
Robert passa, au bord du Rhône, deux
semaines enchanteresses. Car Avignon, où tout l’or de la chrétienté affluait,
était, pour qui aimait la table, le jeu et les belles courtisanes, une ville
d’agrément sans égal, sous un pape octogénaire et ascète, retrait dans les
problèmes d’administration financière, de politique et de théologie.
Le nouveau pair de France eut
plusieurs audiences du Saint-Père ; un festin fut donné en son honneur au
château pontifical, et il s’entretint doctement avec nombre de cardinaux. Mais,
fidèle aux goûts de sa tumultueuse jeunesse, il eut rapport aussi avec des gens
de plus douteux aloi. Où qu’il fût, Robert attirait à lui, et sans prendre
aucune peine, la fille légère, le mauvais garçon, l’échappé de justice.
N’eût-il existé dans la ville qu’un seul receleur, il le découvrait dans le
quart d’heure. Le moine chassé de son ordre pour quelque gros scandale, le
clerc accusé de larcin ou de faux serments piétinaient dans son antichambre
pour quêter son appui. Dans les rues, il était souvent salué par des passants
de basse mine dont il cherchait vainement à se rappeler en quel bordel de
quelle ville il les avait autrefois rencontrés. Il inspirait confiance à la
truanderie, c’était un fait, et qu’il fût à présent le second prince du royaume
français n’y changeait rien.
Son vieux valet Lormet le Dolois,
trop âgé à présent pour les longs voyages, ne l’accompagnait pas. Un gaillard
plus jeune, mais formé à pareille école, Gillet de Nelle, emplissait le même
rôle et se chargeait des mêmes besognes. Ce fut Gillet qui rabattit sur
Monseigneur Robert un certain Maciot l’Allemant, sergent d’armes sans emploi,
mais prêt à tout faire, et qui était originaire d’Arras. Ce Maciot avait bien
connu l’évêque Thierry d’Hirson. Or l’évêque Thierry, en ses dernières années,
avait une amie de cœur et de couche, une certaine Jeanne de Divion, de vingt
bonnes années plus jeune que lui, et qui se plaignait assez haut maintenant des
ennuis que lui causait la comtesse Mahaut, depuis la mort de l’évêque. Si
Monseigneur
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