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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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voulait entendre cette dame de Divion…
    Robert d’Artois constata, une fois
de plus, qu’on s’instruit beaucoup auprès des gens de petite réputation.
Certes, les mains du sergent Maciot n’étaient pas celles auxquelles on eût pu
confier le plus sûrement sa bourse ; mais l’homme savait de fort
intéressantes choses. Vêtu de neuf, et remonté d’un cheval bien gras, il fut
expédié vers le nord.
    Rentré à Paris au mois de mars,
Robert se frottait les mains et affirmait que du nouveau allait se produire en
Artois. Il parlait d’actes royaux dérobés jadis par l’évêque Thierry, pour le
compte de Mahaut. Une femme au visage encapuchonné passa plusieurs fois la
porte de son cabinet, et il eut avec elle de longues conférences secrètes. On
le voyait de semaine en semaine plus confiant, plus joyeux, et annonçant avec
plus de certitude la prochaine confusion de ses ennemis.
    Au mois d’avril, la cour
d’Angleterre, cédant aux recommandations du pape, envoyait de nouveau à Paris
l’évêque Orleton, avec une suite de soixante-douze personnes, seigneurs,
prélats, docteurs, clercs et valets, pour négocier la formule d’hommage.
C’était un vrai traité qu’on se disposait à conclure.
    Les affaires d’Angleterre n’étaient
pas au plus haut. Lord Mortimer n’avait guère accru son prestige en se faisant
conférer la pairie et en obligeant le Parlement à siéger sous la menace de ses
troupes. Il avait dû réprimer une révolte armée des barons unis autour d’Henri
de Lancastre au Tors-Col, et il éprouvait de grandes difficultés à gouverner.
    Au début de mai mourut le brave
Gaucher de Châtillon, à l’entrée de sa quatre-vingtième année. Il était né sous
Saint Louis, et avait exercé vingt-sept ans la charge de connétable. Sa rude
voix avait souvent changé le sort des batailles et prévalu dans les conseils
royaux.
    Le 26 mai, le jeune roi
Édouard III, ayant dû emprunter, comme l’avait fait son père, cinq mille
livres aux banquiers lombards afin de couvrir les frais de son voyage,
s’embarquait à Douvres pour venir prêter hommage à son cousin de France.
    Ni sa mère Isabelle, ni Lord
Mortimer ne l’accompagnaient, craignant trop, s’ils s’étaient absentés, que le
pouvoir ne passât en d’autres mains. Un souverain de seize ans, confié à la
surveillance de deux évêques, allait donc affronter la plus impressionnante
cour du monde.
    Car l’Angleterre était faible,
divisée, et la France était tout. Il n’était pas de nation plus puissante que
celle-ci dans l’univers chrétien. Ce royaume prospère, nombreux en hommes,
riche d’industries, comblé par l’agriculture, mené par une administration
encore compétente et par une noblesse encore active, semblait le plus
enviable ; et le roi trouvé qui le gouvernait depuis un an, ne récoltant
que des succès, était bien le plus envié de tous les rois de la terre.
     

V

LE GÉANT AUX MIROIRS
    Il voulait se montrer mais également
se voir. Il voulait que sa belle épouse, la comtesse, que ses trois fils, Jean,
Jacques, et Robert, dont l’aîné, à huit ans, promettait déjà de devenir grand
et fort, il voulait que ses écuyers, les valets de sa chambre et tout son hôtel
qu’il avait amené avec lui de Paris, le contemplassent bien dans l’éclat de sa
splendeur ; mais il désirait aussi s’apparaître et s’admirer.
    À ce faire, il avait demandé tous
les miroirs trouvables dans les bagages de son escorte, miroirs d’argent poli,
ronds comme des assiettes, miroirs à manche, miroirs de vitre sur feuille
d’étain, coupés à l’octogone dans un cadre de vermeil, et il les avait fait
suspendre, les uns auprès des autres, à la tapisserie de la chambre qu’il
occupait [7] .
L’évêque d’Amiens serait bien content lorsqu’il verrait son beau tapis à images
lacéré par les clous qu’on avait plantés dedans ! Mais qu’importait !
Un prince de France pouvait se permettre cela. Monseigneur Robert d’Artois,
seigneur de Conches et comte de Beaumont-le-Roger, souhaitait se contempler
dans son costume de pair qu’il portait pour la première fois.
    Il tournait, virait, avançait de
deux pas, reculait, mais ne parvenait à saisir sa propre image que par
fragments, comme les morceaux découpés d’un vitrail : à gauche, la garde
d’or de la longue épée et, un peu plus haut, à droite, un morceau de poitrine
où, sur la cotte de soie, étaient brodées ses armes ; ici

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