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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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faire ! Vous êtes des niais que je vais bâtonner. Saisir chez
moi ? Quelle imposture ! Avez-vous vu l’ordre, au moins ?
    — Nous l’avons vu, Monseigneur,
répondit Gillet de Nelle tremblant, et nous avons même exigé de le garder. Nous
n’avons laissé prendre madame de Divion qu’à cette condition. Le voici.
    C’était bien un ordre royal, tracé
d’une main de clerc, mais scellé du cachet de Philippe VI. Et non pas du
sceau de chancellerie, ce qui eût pu expliquer quelque haute fourberie. La cire
portait le relief du sceau privé de Philippe, le « petit sceau »
comme on disait, que le roi gardait sur lui, dans une bourse, et que sa main
seule utilisait.
    Le comte d’Artois n’était pas, de
nature, un homme angoissé. Ce jour-là, pourtant, il apprit à connaître la peur.
     

VI

LA MALE REINE
    Aller de Conches à Paris en une seule
journée, c’était une rude étape, même pour un cavalier entraîné, et qui
exigeait un cheval solide. Robert d’Artois laissa en route deux de ses écuyers
dont les montures étaient tombées boiteuses. Il arriva de nuit dans la cité,
trouva, malgré l’heure tardive, les rues encore encombrées de bandes joyeuses
qui fêtaient l’An neuf. Des ivrognes vomissaient dans l’ombre, sur le seuil des
tavernes ; des femmes se tenaient par le bras, chantant à tue-tête et le
pas mal assuré, comme dans le conte de Watriquet.
    Sans égard pour cette roture que le
poitrail de son cheval bousculait. Robert alla droit au Palais. Le capitaine de
garde lui apprit que le roi était venu dans la journée, pour recevoir les vœux
des bourgeois, mais qu’il était reparti pour Saint-Germain.
    Robert, alors, franchissant le pont,
alla au Châtelet. Un pair de France pouvait se permettre de réveiller le gouverneur.
Or, celui-ci, interrogé, déclara n’avoir reçu, ni la veille ni ce jour, aucune
dame qui se nommât Jeanne de Divion, ni qui ressemblât à sa description.
    Si elle n’était au Châtelet, elle
devait être au Louvre, car on n’incarcérait, d’ordre du roi, qu’en ces deux
places-là.
    Robert poussa donc jusqu’au
Louvre ; mais le capitaine lui fit la même réponse. Alors, où était la
Divion ? Robert avait-il cheminé plus vite que les sergents royaux et, par
une autre route, devancé leur détachement ? Pourtant, à Houdan, où il
s’était renseigné, on lui avait bien dit que trois sergents, conduisant une
dame, étaient passés depuis plusieurs heures. Le mystère se faisait de plus en
plus dense autour de cette affaire.
    Robert se résigna à rentrer en son
hôtel, dormit peu, et avant l’aube partit pour Saint-Germain.
    La gelée blanche couvrait les champs
et les prés ; les branches des arbres étaient vernies de givre, et les
collines, la forêt, autour du manoir de Saint-Germain, semblaient un paysage de
confiserie.
    Le roi venait de s’éveiller. Les
portes s’ouvrirent pour Robert jusqu’à la chambre de Philippe VI, lequel
était encore au lit, entouré de ses chambellans et de ses veneurs, et donnait
des ordres pour la chasse du jour.
    Robert entra d’un pas d’assaut, mit
un genou au parquet, se releva aussitôt et dit :
    — Sire, mon frère, reprenez la
pairie que vous m’avez donnée, mes fiefs, mes terres, mes revenus, ôtez-m’en le
bien et l’usage, chassez-moi de votre Conseil étroit auquel je ne suis plus
digne de paraître. Non, je ne suis plus rien au royaume !
    Ouvrant tout grands ses yeux bleus
par-dessus son nez charnu, Philippe demanda :
    — Mais qu’avez-vous donc, mon
frère ? D’où vous vient cet émoi ? Que dites-vous ?
    — Je dis le vrai. Je dis que je
ne suis plus rien au royaume puisque le roi, sans daigner m’en informer, fait
saisir une personne qui loge sous mon toit !
    — Qui ai-je fait saisir ?
Quelle personne ?
    — Une certaine dame de Divion,
mon frère, qui est de ma maison, servante à la robe de mon épouse votre sœur,
et que trois sergents, sur votre ordre, sont venus prendre à mon château de
Conches pour la conduire en geôle !
    — Sur mon ordre ? dit
Philippe stupéfait. Mais je n’ai jamais donné tel ordre… Divion ? J’ignore
ce nom. Et de toute manière, mon frère, faites-moi la grâce de me croire, je
n’eusse point fait saisir en votre maisonnée, quand même en aurais-je eu le
motif, sans vous tenir au fait, et d’abord vous demander conseil.
    — C’est ce que j’aurais cru,
mon frère, dit Robert, pourtant, cet ordre est bien de

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