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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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vous.
    Et il tira de sa cotte la lettre
d’arrestation remise par les sergents.
    Philippe VI y jeta les yeux,
reconnut son petit sceau, et les chairs de son nez blêmirent.
    — Hérouart, ma robe !
cria-t-il à l’un des chambellans. Et qu’on se hâte à sortir ; qu’on me
laisse seul avec Monseigneur d’Artois !
    Ayant rejeté ses couvertures brodées
d’or, il était déjà debout, en longue chemise blanche. Le chambellan l’aida à
enfiler une robe fourrée, voulut aviver le feu dans la cheminée.
    — Sors, sors !… J’ai dit
qu’on me laisse seul.
    Jamais Hérouart de Belleperche,
depuis qu’il servait le roi, n’avait été traité avec pareille violence, comme
un simple garçon de cuisine.
    — Non, je n’ai nullement scellé
cela, ni dicté rien qui y ressemble, dit le roi quand le chambellan se fut
retiré.
    Il examina très attentivement la
pièce, rapprocha les deux parties du cachet brisé par l’ouverture de la lettre,
prit une loupe de cristal dans un tiroir de crédence.
    — Ne serait-ce pas, mon frère,
dit Robert, qu’on aurait contrefait votre sceau ?
    — Cela ne se peut. Les faiseurs
de coins sont habiles à prévenir copies et dissimulent toujours quelque petite
imperfection volontaire, surtout pour coins royaux ou de grands barons. Regarde
le « L « de mon nom ; vois la brisure qui est au bâton, et ce
point creux dans le feuillage de bordure…
    — Alors, dit Robert,
n’aurait-on pas détaché le cachet d’une autre pièce ?
    — La chose, en effet, se
pratique, il paraît ; avec un rasoir chauffé, ou de quelque autre
manière ; mon chancelier me l’a certifié.
    Le visage de Robert prit une
expression naïve, comme s’il apprenait là une chose insoupçonnée. Mais le cœur
lui battait un peu plus vite.
    — Mais ce ne saurait être le
cas, poursuivit Philippe, car, tout exprès, je n’use de mon petit sceau que
pour des cachets à briser ; jamais je ne l’emploie sur page plate ni lacs.
    Il resta silencieux un moment, les
yeux fixés sur Robert comme s’il lui demandait une explication qu’il ne
cherchait, en vérité, que dans sa propre pensée.
    — Il faut, conclut-il, qu’on
m’ait dérobé un moment mon sceau. Mais qui ? Mais quand ? De tout le
jour il ne quitte la bougette à ma ceinture ; je ne m’en défais que la
nuit…
    Il alla vers la crédence, prit dans
le tiroir une bourse de tissu d’or dont il palpa d’abord le contenu, puis qu’il
ouvrit, et dont il sortit son petit sceau qui était d’or, avec une fleur de lis
pour servir de poignée.
    — … et je le reprends au
matin…
    Sa voix s’était faite plus
lente ; un doute terrible s’installait en lui. Il reprit l’ordre
d’arrestation et l’étudia de nouveau, avec grande attention.
    — Je connais cette main,
dit-il. Ce n’est pas celle d’Hugues de Pommard, ni celle de Jacques La Vache,
ni de Geoffroy de Fleury… Il sonna.
    Pierre Trousseau, l’autre chambellan
de service, se présenta.
    — Mande-moi d’urgence, s’il est
au château, ou bien ailleurs où qu’il se trouve, le clerc Robert Mulet ;
qu’il vienne ici avec ses plumes.
    — Ce Mulet, demanda Robert, ne
sert-il pas aux écritures de la reine Jeanne ton épouse ?
    — Oui, Mulet sert tantôt à moi,
tantôt à Jeanne, dit Philippe VI évasivement, pour masquer sa gêne.
    Ils avaient repris, machinalement,
leur tutoiement d’antan, lorsque Philippe était bien loin d’être roi, lorsque
Robert n’était pas encore pair, lorsqu’ils étaient seulement deux cousins bien
unis ; en ce temps-là Monseigneur Charles de Valois citait toujours Robert
en exemple à Philippe, pour sa force, sa ténacité, son intelligence aux
affaires.
    Mulet était au château. Il arriva,
se hâtant, l’écritoire sous le bras, et se courba pour baiser la main du roi.
    — Pose ta boîte, écris, dit
Philippe VI qui commença aussitôt à dicter : « De par le roi, à
notre aimé et féal prévôt de Paris, Jean de Milon, salut. Nous vous ordonnons
de diligenter… »
    Les deux cousins, d’un même
mouvement, s’étaient rapprochés et lisaient par-dessus l’épaule du clerc. Son
écriture était bien celle de l’ordre d’arrestation.
    — «… à faire délivrer sur
l’heure la dame Jeanne de… »
    — Divion, articula Robert.
    — «… laquelle a été recluse en
notre prison… » Au fait, où se trouve-t-elle ? demanda Philippe.
    — Ni au Châtelet, ni au Louvre,
dit

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