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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avec rage un bibelot du revers de la main. Frère Thibault n’osait plus ni parler ni relever la tête de peur de subir personnellement les foudres de cet homme.
    Il avait obtenu de la grande abbesse une dérogation de visite à sa mère, qu’il avait prétendue gravement malade, pour avertir sans tarder la maison de Blois de ce qui se préparait.
    – Notre grand maître Bertrand de Blanquefort sait-il la nouvelle ?
    – Pas encore, messire.
    – Si cette union se fait, tous les projets de l’ordre du Temple seront contrariés. Nous devons conserver l’Angleterre, et Louis de France qui nous est acquis doit s’allier l’Aquitaine. Sang de Dieu ! Les prétentions et le pouvoir de l’Église vont bien au-delà de ces querelles vassales. Va ! L’ordre te récompensera pour le soutien que tu lui apportes.
    Frère Thibault hocha timidement la tête en guise de remerciement et disparut à petits pas craintifs.
    Un homme sec au regard métallique sortit de derrière une courtine. La chlamyde blanche qu’il portait montrait clairement son appartenance à l’ordre des Chevaliers du Temple. Le comte de Blois, roi d’Angleterre, ne parvenant pas à calmer son humeur contrariée, se versa une rasade d’eau-de-vie de prunelle qu’il affectionnait.
    L’abbé Suger, fidèle conseiller du roi de France Louis VI le Gros, s’assit dans un lourd fauteuil ouvragé qui meublait un coin de la pièce richement ornée de tapisseries et de statuettes de bronze.
    Bien qu’il n’appréciât pas cette tendance pernicieuse à la boisson qui depuis quelque temps semblait coutumière au comte, il s’abstint de tout commentaire. Son souci pour l’heure était autre. Laissant ses pensées franchir ses lèvres, il commenta :
    – Mathilde d’Anjou est fin stratège. J’ai déjà entendu le nom de Guenièvre de Grimwald. Qui est-elle ?
    – Une sorcière, mon père ! Elle possède les terres de Brocéliande depuis de nombreuses générations. La rumeur la prétend descendante de Merlin l’Enchanteur. De fait, les trouvères parlent d’elle à demi-mot, comme de « celle qui sait ». Qui qu’elle soit en vérité, elle est dangereuse. Depuis toujours, sa famille est proche du trône. En soutenant Mathilde, elle me renie. Songez que certains imbéciles de barons ont été jusqu’à s’indigner que je n’aie à mes côtés quelqu’une de sa race pour prévoir l’avenir ! Comme s’il suffisait de sa présence pour devenir légitime ! Si je n’avais eu assez d’or et le soutien des prêtres pour leur promettre les châtiments divins, ces sots se seraient agenouillés devant des dieux en rut ! Miserere !
    – Laissez donc à la rumeur sa bassesse, mon fils. Vous qui siégez à la table ronde et buvez la coupe des chevaliers du Christ ne pouvez donner crédit à ces ragots de serfs. C’est souvent la peur plus que la raison qui amène la foi. Croyez-moi, Mathilde d’Anjou n’a besoin de personne pour intriguer contre votre camp.
    Étienne de Blois se renfrogna :
    – Ne sous-estimez pas Guenièvre de Grimwald, l’abbé. Son influence sur Mathilde est grande. Si vous aviez seulement pu croiser son regard une fois, vous comprendriez. Bien que sous la protection de Dieu, j’en viens parfois à craindre le souffle du Malin dans la verve de ces femelles.
    Suger se retint de sourire face à l’épouvante qu’il lisait dans les yeux du comte de Blois. Celui-ci avala une nouvelle rasade d’eau-de-vie, rota bruyamment, puis enchaîna :
    – Comment se porte notre Sire Louis de France ?
    Ce fut au tour de Suger de grimacer. Il aurait préféré n’avoir pas à répondre, il ne pouvait pourtant mentir. Il soupira :
    – Mal. Le flux de ventre ne le quitte que rarement. Je crains que celui-ci ne l’emporte plus tôt qu’il ne faudrait.
    Blois s’étrangla :
    – Raison de plus pour empêcher cette alliance, mon père ! Les barons anglais ne me suivront plus bien longtemps si Mathilde leur fait miroiter la dot de la jeune Aliénor. J’ai offert mon soutien à l’ordre en échange du sien. J’attends aujourd’hui d’être payé en retour de mes largesses.
    Son poing frappa la table avec violence. Suger réprima un sursaut. Cet individu l’agaçait décidément par ses sautes d’humeur ridicules. Il exécrait cette bassesse de l’homme à toujours prétendre à plus qu’il ne devrait exiger.
    Pourtant, l’ordre du Temple avait besoin de lui. Cette armée du Christ récemment créée suivait

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