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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ta perte, même avec elle et notre enfant à mes côtés.
    – Je ne te mérite pas.
    J’avais des larmes plein les yeux, qu’il ne pouvait que deviner.
    – Tu ne nous mérites pas, rectifia-t-il.
    – Nous ?
    – Jaufré, laissa-t-il tomber d’une voix éteinte.
    Je soupirai.
    – Je croyais que ma mission te permettrait de comprendre.
    – Comprendre n’est pas approuver, Loanna.
    – Un jour peut-être…
    – Lorsque la méchante sorcière sera devenue une gentille sorcière ? Je ne crois pas aux contes de fées, Loanna de Grimwald ! La vérité est que tu as peur. Regarde-moi.
    Je tournai vers ses yeux un visage de pluie. Il me connaissait si bien.
    – Je ne peux t’en vouloir de n’être pas à moi, ni même de ce que tu es, mais je ne te pardonnerai pas de continuer à le torturer.
    – Le rappeler, c’est le détruire. Cette garce de Béatrice a tenté déjà. Ce n’est pas un homme d’armes comme toi.
    – Mais tu le détruis plus sûrement qu’aucune autre ne le ferait. Parle-lui, Loanna. Si j’ai pu comprendre, alors il comprendra aussi. Tu as besoin de lui autant que lui de toi. Il n’est rien de pire que de penser n’être pas aimé. Jaufré est plus seul dans son comté que le plus miséreux des mendiants. Songes-y ! Je t’en conjure !
    De ma vie, je n’avais rencontré homme plus digne, plus juste et plus généreux que Denys de Châtellerault et je savais qu’il n’en existait pas d’autre.
     
    Aliénor revint après l’office de none pour m’apprendre les ragots. Peu de choses avaient bougé durant ma convalescence. Par mesure de précaution, Denys avait exigé de la reine qu’elle me prétende en visite chez des parents avant le grand départ. Cela surprit quelques personnes, mais on avait mieux à faire en ces temps que poser des questions. Quant au fait que la reine se rendît chaque jour depuis une dizaine dans Paris sans escorte, cela ne signifiait pour tous qu’une seule évidence : elle avait renoué liaison avec son connétable !
    Aliénor s’amusait beaucoup de ce jeu. Toutefois, la tension montant au palais avec les préparatifs du départ, elle avait jugé prudent de tenir le roi informé de ma mésaventure pour qu’il ne prête pas l’oreille aux bruits de cour.
    Je décidai pour ma part de ne rien dévoiler de ce que Denys avait découvert. Il valait bien mieux que la reine pensât à quelque malandrinerie en cette période troublée. Tout, d’ailleurs, portait à le croire.
    Denys m’avait confié lui avoir dit que je me rendais chez lui le soir de l’embuscade. Je supposais qu’elle avait échafaudé des plans sur la nature de nos relations qu’elle savait déjà et depuis toujours bien particulières. Que j’aie omis de lui en parler devait blesser son orgueil, aussi ne demanda-t-elle rien de plus ce jour-là et je m’en tirai ainsi.
    Croquenaud passa dans la soirée, jugea que j’étais définitivement tirée d’affaire, mais que la prudence s’imposait. En vertu de quoi, il me recommanda de garder le lit une huitaine encore.
    – Un chaud et froid sur un poumon blessé, ma p’tit damoiselle, et c’est la vermine qui s’installe, me sermonna-t-il.
    Je savais qu’il avait raison. L’air vicié de Paris ne me vaudrait rien de bon, pas davantage que les murs froids et humides du palais de la Cité.
    C’était encore ici que j’étais le mieux, choyée par ma reine, qui me portait des fruits mûrs, et par Denys entre deux services au palais. Le reste du temps, je le passais à lire et à penser. Ne rien avoir à faire laisse le temps pour ruminer. Je ne cessais de songer aux paroles de Denys concernant Jaufré. Toutes ces années ! Toutes ces années où il avait déserté la cour pour ne pas m’y croiser. Où il s’était effacé pour que je puisse exister. Où il s’était muré dans la solitude pour tenir son serment.
    Quelle absurdité ! J’étais tellement persuadée qu’il m’affaiblissait, qu’il me rendait vulnérable… Je n’avais pas été davantage protégée par mes intuitions et mes prétendus pouvoirs au moment de l’embuscade ! Quelle leçon d’humilité ! Moi, Loanna de Grimwald, je m’étais trompée sur toute la ligne. Pis encore, je m’étais trompée sur moi-même. Je n’étais à la hauteur d’aucun des enseignements de Merlin. Il n’était pas trop tard pour demander pardon. Comme je l’avais fait avec Denys, il n’était pas trop tard pour me retrouver. Pour le retrouver. S’il

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