Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
quitte et me chasser de ton cœur.
    – Comment le pourrais-je ? De nouveau, je n’ai plus que toi.
    – Te souviens-tu, Denys, de ce jour où, en riant des ragots, tu m’as demandé ce que pouvait intriguer la fille d’une sorcière à la cour de France ? Mon ami Thomas Becket ne savait qu’une partie de l’histoire, de mon histoire, celle qui faisait de moi une espionne au service du comte d’Anjou. La vérité est autre, et je m’en veux d’être ce que je suis.
    Je parlai longtemps. Denys m’écouta sans mot dire, hochant parfois lourdement la tête pour mieux se convaincre. Lorsque je me tus, j’étais épuisée, au bord de l’évanouissement tant cet aveu m’avait coûté et libérée à la fois, tenaillant ma blessure et mon corps inerte depuis trop longtemps. J’attendais qu’il dise quelque chose, qu’il me frappe, peut-être. Mais il se leva et sortit sans se retourner. J’avais achevé ma confession par ma dernière rencontre à Sainte-Geneviève et ce qui en avait découlé à l’encontre du roi. Denys de Châtellerault tenait désormais mon destin entre ses mains. J’eusse sans doute dû avoir peur ; à l’inverse, cela m’apaisa, et je m’endormis le cœur léger.

19
     
     
    – Parle, sinon je te donne ma parole qu’avant longtemps ton âme rôtira en enfer au lieu de profiter du paradis que te promet ton état.
    – Sur la Très Sainte Bible, messire, je jure n’avoir jamais vu leurs visage, ni même ouï leur nom.
    Denys sortit son épée et entailla le lobe de l’oreille du moine qui poussa un long gémissement de terreur.
    – Tu mens, maraud ! Gare ! Ou je tranche ces outils qui ne te servent à rien.
    – N’en faites rien, messire. Je cherche, je cherche…
    Denys resserra son étreinte au collet.
    – Je m’impatiente ! gronda-t-il.
    Le moine se signa. Il transpirait d’abondance dans sa bure sobre. Denys l’avait crocheté au sortir des feuillets, alors qu’il resserrait sa ceinture sur son ventre obèse. L’endroit était aménagé entre deux piliers de soutènement de Sainte-Geneviève, juste derrière les écuries dont il avait la charge. Discret pour y déféquer, cet endroit providentiel l’était aussi pour s’y faire découdre. C’est ce qu’il avait cru tout d’abord, quand il avait vu ce gaillard à l’allure vindicative sortir l’épée du fourreau, tant, qu’il avait reculé en braillant et écrasé sous ses sandales l’objet de ses épanchements.
    Denys l’avait attiré à lui d’une poigne ferme, profitant de l’endroit pour le molester et rafraîchir sa cervelle à propos de ce qui s’était passé en ce même lieu dix jours auparavant. Après avoir feint l’étonnement, il s’était vite rendu à l’avis que, son bourreau n’étant pas commode, il valait mieux ne pas le contrarier.
    Denys avait ainsi appris qu’au soir de l’agression quatre hommes s’étaient montrés dans ce même lieu et, en échange d’une bourse généreusement gonflée, avaient conseillé à ce prêtre gardien de s’éloigner jusqu’à l’aube. Promesse qu’il avait respectée, les affaires des grands n’étant pas les siennes ; d’ailleurs, il ne songeait pas à mal, puisque cette somme rondelette irait rejoindre les troncs des miséreux de Sainte-Geneviève.
    – Pitié, messire ! Je suis un couard d’homme d’Eglise. Croyez que, sur l’heure, je vous dirais bien plus que vous ne voulez en entendre si…
    Denys poussa un soupir agacé. De toute la force d’une colère qu’il maîtrisait à peine, il repoussa sa victime. Déséquilibré par la surprise, ses jambes trop courtes et son ventre en avant, le moine tituba et se renversa, les jambes en l’air, à l’endroit des feuillets où il servait son office.
    – Va au diable ! lui lança Denys en contemplant d’un air navré cette scène grotesque qui en d’autres temps l’eût fait rire.
    Denys tourna les talons et le planta là. Il ne s’émut pas davantage du chapelet de jurons qui lui parvint aux oreilles dès qu’il ne fut plus dans la visée du lourdaud. D’un pas décidé, il se dirigea vers le porche et, servi par un jour de grand beau temps qui laissait passer suffisamment de lumière, commença son investigation. Il avait plu durant la semaine et la terre était lavée autant qu’imprégnée. Ce furent les traces de doigts sanguinolents sur le mur qui lui indiquèrent où il devait chercher. Il fureta du bout de l’épée, dénicha quelques piécettes, un

Weitere Kostenlose Bücher