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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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voulait encore de moi comme désormais je voudrais de lui. Ce ne fut qu’après avoir pris cette décision que je me sentis véritablement guérie, libérée et légère.
     
    Trois jours plus tard, Aliénor déboula dans ma chambre.
    – C’est définitif, nous partirons au début du mois prochain. J’ai demandé une audience à Louis pour ce tantôt, et tu vas en entendre les ronflements de colère jusqu’ici. Nous y allons toutes ! Mais ce n’est pas tout, ces dames ne peuvent tenir sans leurs chambrières, leurs toilettes, leurs bijoux. Depuis qu’elles savent que le basileus, que l’on dit fort bel homme, nous reçoit dans sa ville blanche, elles refusent de s’y rendre en armure. Et je compte bien, pour ma part, lui montrer toute la splendeur de la France. Nos malles suivront donc et nos amuseurs aussi, jongleurs, acrobates, troubadours…
    Elle marqua un temps d’arrêt, guettant ma réaction. Je me contentai d’un œil sévère tandis que mon cœur s’arrêtait un instant de battre pour s’accélérer ensuite. Aliénor vint se jeter à genoux pour presser ma main qui pendait mollement sur les draps de lin.
    – Comment pouvais-je savoir ? s’excusa-t-elle, une pointe de colère feinte dans la voix.
    Lorsqu’elle se sentait coupable, Aliénor jugeait plus opportun d’attaquer la première.
    – Me voilà bien embarrassée à présent. Je pensais qu’il te serait doux de l’avoir à tes côtés, cela fait si longtemps. D’autant que sa voix est un plaisir que l’on me réclame souvent, tu le sais. Il aurait été le seul à ne point s’y rendre ?…
    Elle me regarda sans finir sa phrase. Je souriais avec tendresse.
    – Tu as bien fait.
    – Vrai ?
    Ses yeux pétillaient de malice.
    – Vrai. Quand arrive-t-il ?
    – Il s’est présenté hier aux portes du palais avec un jeune protégé qui possède une voix des plus prometteuses.
    – Il a demandé après moi ?
    J’eus peur soudain qu’Aliénor n’ait commis une bévue.
    – Parbleu ! Il s’est étonné de ne point te voir au dîner et je lui ai fait même discours qu’aux autres. Appelée par ta famille à Angers, tu serais de retour à Paris bientôt. Mais que je t’en ai voulu, Loanna, de lui donner pareil mensonge ! Si tu l’avais pu voir, si maigre, si blanc, si triste soudain, alors qu’il paraissait léger comme un pinson en venant me rendre hommage. On eût dit que la vie s’en allait de son sang. Il a prétexté les fatigues du voyage et s’est retiré de fort bonne heure.
    – Pourquoi lui avoir menti ? Il te suffisait de lui raconter ma blessure, murmurai-je doucement.
    – Et que lui aurais-je dit ? Que sa bien-aimée se pâme depuis quinze lunes dans le lit de son amant ? Je croyais que nous n’avions nul secret l’une pour l’autre ! Et depuis quand vous cachez-vous à mes yeux ? J’aurais dû me douter de votre trahison quand je vous ai surpris dans la salle d’armes après l’escarmouche avec Béatrice.
    Elle battait l’air de ses bras fins comme un moulin un soir de tempête, martelant de ses talons le bois du parquet ciré. Un sentiment de tendresse m’envahit.
    Aliénor avait eu peur de me perdre, autant que Denys, mais elle s’était effacée pour ne pas montrer sa faiblesse, avait ruminé dans son coin des griefs imaginaires pour ne pas se laisser gagner par ce sentiment de fatalité qu’elle exécrait et qui la rendait vulnérable.
    Derrière sa colère se cachaient toute son angoisse et son attente mêlée d’espoir. Et, plus fort que tout le reste, cet amour grand comme un royaume qu’elle me portait.
    – Denys n’est pas mon amant, murmurai-je.
    Elle s’arrêta net, essoufflée de mouliner du vent, les joues rouges, le regard hébété. Elle s’attendait à n’importe quoi, sauf à cela.
    – Que dis-tu ? demanda-t-elle encore.
    – Tu as parfaitement entendu. J’avais rendez-vous avec Denys ce soir-là, mais ce n’était pas pour lui causer badinage.
    Elle s’approcha et s’assit à mon chevet au bord du lit.
    – Et pourquoi donc, Seigneur ?
    – Je voulais qu’il fasse surveiller quelqu’un dans l’entourage du roi, mentis-je.
    Elle ouvrit la bouche, mais aucun son ne vint. Elle ressemblait à un poisson avec ses yeux ronds comme des assiettes. Un fort joli poisson que j’aimais. Je poursuivis, imaginant sans peine une suite à l’idée que j’avais lancée :
    – J’ai saisi quelques bribes d’une conversation au détour d’un corridor. Il

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