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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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un nouveau chemin depuis la mort de son fondateur, Hugues de Payen, il y avait tout juste une année.
    Cela avait été une période difficile durant laquelle le pape avait lourdement insisté pour que Bernard de Clairvaux, l’abbé de l’ordre de Cîteaux, prenne la succession vacante. C’était lui qui, le tout premier, de par sa sagesse, sa rigueur et sa foi citées en exemple, s’était vu chargé de rédiger la règle de l’ordre naissant. Lui qui avait donné le souffle sacré à cette vaste et divine entreprise. Malgré tout ce qu’elle comportait de rêve et de grandeur pour lui, Bernard de Clairvaux avait refusé de devenir grand maître. Bertrand de Blanquefort s’était proposé, achetant les soutiens par de nombreux dons à l’ordre. Il voulait le pouvoir. Le pouvoir absolu que donne la foi, autant sur les rois que sur les esprits et les âmes. Là où Hugues de Payen, Godefroy de Saint-Omer ou Bernard de Clairvaux parlaient de spiritualité, lui parlait d’or, de terres, de domaines, d’allégeances, de biens en tout genre abandonnés par ceux qui s’achetaient ainsi le soutien de l’ordre. Si Bernard de Clairvaux songeait à l’avantage qu’aurait eu une armée divine lors de la précédente croisade, le nouveau grand maître y voyait le moyen d’orchestrer dans une gigantesque toile d’araignée le jeu des alliances, pour devenir rien moins que le grand maître de l’Occident chrétien. L’abbé Suger, de très basse extraction, était avide de pouvoir et rongé d’orgueil. Il avait tôt fait de comprendre son intérêt à rejoindre et à soutenir l’ordre du Temple. Il avait pour cela un atout de choix : son ombre sèche et chétive marquait de son empreinte le gouvernement du royaume de France.
    L’abbé rassura le comte de Blois :
    – Allons, mon ami, calmez-vous… Quoi que vous décidiez, n’oubliez jamais que ce que vous possédez, c’est à Dieu que vous en êtes redevable. Notre Père à tous ne saurait laisser les intérêts de Son Eglise à la merci d’ambitions qui ne sont pas les Siennes. Voilà pourquoi notre confrérie accepte désormais les scélérats de toute espèce venus en masse se faire admettre dans l’ordre en expiation de leurs péchés. Qu’ils soient voleurs, sacrilèges, adultères, parjures ou encore homicides, leur foi et leur repentir sont extrêmes. Nous ne pouvons douter que Dieu Lui-même les ait reconnus comme Siens. Ils n’agissent donc plus par mouvement de colère, d’ambition, de vaine gloire ou d’avarice, ils font la guerre de Jésus-Christ leur Seigneur. Selon la Loi divine, mon ami, ils ne sont coupables d’aucun crime s’ils servent la cause de l’Église. S’ils tuent, c’est pour la gloire de Jésus-Christ et s’ils sont tués, ils sont assurés du salut de leur âme. Voyez donc que rien ne saurait se mettre en travers de notre chemin.
    – Dois-je comprendre que nous devons employer tous les moyens pour empêcher ces fiançailles ? hasarda Etienne de Blois.
    Suger se leva lentement, il considérait l’entretien comme terminé. Il ajouta toutefois d’un ton sans équivoque :
    – Comprenez ce que Dieu vous pousse à comprendre, mon fils. J’ai à mon service un chevalier dévoué qui, du fait de la noirceur de son passé, accomplit en virtuose l’expiation de ses crimes. Peut-être serait-il bon de lui faire revêtir le manteau de pèlerin…
    Mon esprit s’était fondu à la terre, la pierre et l’eau pour ne faire plus qu’un dans l’équilibre du Grand Tout. Je pouvais désormais deviner chaque mouvement des puissances invisibles. Je me redressai et m’assis sur le dolmen qui avait accumulé à mon contact une douce chaleur. Je gardais les yeux fermés, mais je visualisais chaque élément sous son apparence énergétique. Je savais de ce fait exactement où se trouvait tel arbre ou telle pierre. L’aura qui les enveloppait était un fondu de couleurs tout à la fois violentes et pastel.
    Je respirais la force qui montait de la terre dans une odeur entêtante d’humus. Elle me nourrissait. C’était le moment. Je le pressentais. J’aurais dû être impatiente, mais la paix était en moi aussi vivante qu’une eau sous une carapace de glace. J’attendis. Et c’était merveilleux d’attendre.
    Soudain, cela commença. Un point lumineux grandit à l’intérieur du cercle magique que j’avais formé avec des morceaux d’opale polie. La clarté devint de plus en plus vive, alors seulement j’ouvris

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