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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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que c’était la même que précédemment. C’était le seul repère qui me restait. Ces hommes se ressemblaient tous par leur tenue et par ce tissu qui enveloppait leurs visages pour ne dégager qu’un regard sombre. De nouveau, on me coucha en travers de la croupe du cheval. La folle course reprit. J’étais gelée, courbaturée et meurtrie jusque dans l’âme.
    Le temps me sembla aussi long qu’à l’aller, et, lorsque les chevaux ralentirent leur allure, je me mets à l’écoute des bruits environnants. Mon cœur bondit dans ma poitrine : mon instinct ne m’avait pas trahie. Les parfums et le clapotis de l’eau sur la coque des felouques me confortèrent définitivement. Nous étions de retour à Constantinople, au pied de la Corne d’Or, à moins que ce ne fût sur l’autre rive de la presqu’île.
    Malgré l’obscurité, je devinai toute proche la masse imposante des remparts, et cela avait quelque chose de rassurant. Enfin on arriva à destination. L’homme me déchargea, au moment où une porte s’ouvrait à même la pierre.
    Nous traversâmes un long corridor éclairé par des torchères et ponctué de toutes petites meurtrières destinées à renouveler l’air plus qu’à défendre la forteresse. Puis une myriade de parfums saisit mes narines ensablées. On me déposa dans une pièce richement décorée. Une femme voilée m’attendait, que je ne connaissais pas. Elle donna un ordre d’une voix dure, et aussitôt on défit mes liens. Je m’écroulai sur le sol, engourdie par le froid et l’immobilité. Le simple fait de bouger dardait dans tout mon être des milliers d’aiguilles, mais pour rien au monde je n’aurais lâché une plainte. La femme s’approcha et détacha mon bâillon. Les sbires se retirèrent. La femme me déshabilla avec des gestes délicats, elle me souriait et me parlait doucement avec un fort accent. J’étais épuisée, pourtant je parvins à comprendre quelques bribes. Son babillage était un mélange de grec et de latin avec une pointe de je ne savais quoi qui le rendait difficile à interpréter. Elle me disait de me détendre, de me laisser faire, qu’elle allait bien s’occuper de moi, que son maître lui avait demandé d’être à mes ordres et de me parer. Du moins était-ce ce que je compris.
    Elle m’aida à entrer dans une bassine d’argent, puis fit couler sur mes épaules une eau chaude et parfumée, me débarrassant de toute la poussière qui me collait à la peau et aux cheveux, enfin me sécha vigoureusement. Ma nudité lui plaisait sans doute. Noiraude au possible, elle devait peu souvent avoir l’occasion de contempler un poil doré comme le mien. Elle me regardait avec convoitise, et m’invita à m’allonger sur un parterre de peaux. Je n’avais qu’une envie, lui obéir, tant j’étais éreintée. Elle entreprit de me masser les épaules, le dos et les cuisses, et je finis par m’endormir d’un sommeil sans rêve.
     
    – Je ne crois pas un seul instant qu’il s’agisse de Turcs !
    Denys frappa rudement du poing sur la table de bronze. Jaufré l’avait fait venir dès qu’on lui eut raccommodé sa blessure, un mauvais coup qui lui avait entaillé l’épiderme du crâne. Aussitôt après l’incident, les eunuques, réapparus comme par enchantement, l’avaient ramené au palais. On l’avait laissé aux mains d’un apothicaire, tandis que la reine fonçait, telle une furie, au palais de Justinien où le basileus recevait ses audiences. Elle avait hurlé si fort à la face de celui-ci que les murs en avaient retransmis la clameur dans tout l’édifice, habilement aidés par les témoins de la scène. Fol inconscient avait-il été de les envoyer en pareil endroit, il devait réparation à la couronne de France de la perte immense de son amie, et Aliénor ne repartit qu’avec l’assurance que tout serait mis en œuvre pour la retrouver au plus tôt. D’ailleurs, Manuel Comnène ne comprenait pas comment on avait pu de la sorte forcer la porte Pêghé et s’introduire dans l’orangeraie. Une enquête serait menée sur-le-champ, et les coupables, qu’ils soient turcs ou non, seraient décapités sans autre forme de procès.
    Aliénor avait averti Louis, et, sous le coup de l’émotion, toute la délégation française s’était retirée dans ses appartements pour prier. Jaufré ne songeait pas, quant à lui, à attendre l’aide du basileus. Il ne faisait confiance qu’à un seul : Denys.
    – Si ce ne sont les

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