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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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me laissant tomber sur les peaux de bêtes, je me concentrai lentement jusqu’à avoir devant les yeux le visage de Jaufré, un bandeau autour de la tête. J’en fus rassurée. Ainsi, mon instinct ne m’avait pas trahie. Denys m’apparut lui aussi. Ils étaient tous deux à ma recherche. Une confiance infinie m’envahit, lors, je m’enfonçai une nouvelle fois dans un sommeil réparateur. J’allais avoir besoin de toutes mes forces.
     
    Lorsque je m’éveillai, je compris qu’il ne me faudrait point attendre trop longtemps. J’étais seule encore, mais un coup d’œil dans les renfoncements de pierre me montra une eau rouge sang. Le soleil déclinait.
    Le basileus ne tarderait pas. Je vérifiai que la dague était contre moi, puis songeai qu’elle serait plus discrète dans les plis des fourrures. Je n’aurais qu’à faire semblant de dormir et patienter. Lorsqu’il se pencherait vers moi, je glisserais l’arme sous sa gorge et l’obligerais à me relâcher. Cela semblait simple, trop, soupirai-je.
    « Mère, pourquoi est-il plus facile d’entrevoir le destin des autres que le sien ? »
    Bientôt, le murmure de pas feutrés me parvint. Mon cœur s’accéléra. J’étais prête. Je m’allongeai sur le ventre, serrant de toute ma force le manche du poignard. Les lourdes tentures retombèrent.
    Manuel s’assit près de moi.
    – Tu ne dors pas, je le sais.
    Il posa une main impertinente sur mes chevilles et remonta les voiles de la robe pour dénuder mes jambes d’une caresse. Mon cœur battait à me faire mal. Il remonta encore et dévoila mes fesses. Les doigts tracèrent des arabesques sur leur courbe, puis, sans que rien m’y prépare, une claque retentissante les empourpra. Il n’en fallut pas davantage pour enflammer ma colère. D’un bond, je me redressai et lui plaquai l’arme sur le col.
    Surpris, il eut un mouvement de recul vite maîtrisé, puis éclata de rire. Je sifflai :
    – Ce petit jeu est terminé, sale pourceau. Nous allons sortir d’ici ou je tranche sans hésiter cette gorge infâme !
    – Sais-tu, exquise tigresse, que j’ai pris souvent grand plaisir à mater de la main quelques-uns de ces félins. Leurs griffes sont bien plus acérées que les tiennes, s’amusa-t-il.
    J’enfonçais d’un geste déterminé la pointe de la lame et fis jaillir une perle de sang.
    – N’en sois pas si sûr.
    – Ah non ?
    Avant que j’aie pu seulement imaginer la parade, je me retrouvai couchée sur le dos, le poignet ganté d’une main d’acier. Le basileus ricanait. Je n’étais pas de taille à lutter, il le savait. Mon autre main restait libre. J’avisai dans un dernier sursaut de rage la coupe vide qui traînait encore sur le lit. Je m’en emparai au moment où ses doigts faisaient tomber des miens la dague inutile et en cinglai le visage ricanant. Le verre se rompit sous l’impact, entaillant la joue droite du basileus de la tempe à la commissure des lèvres. Il poussa un grognement de rage et, tandis que son visage s’inondait d’un flot de sang frais, me balança une gifle qui me coupa le souffle. Puis, maugréant quelques mots incompréhensibles, il m’arracha le verre brisé avant de se redresser de tout son orgueil. Le sang coulait de sa blessure et gouttait sur les voiles de ma robe. Il porta une main à l’estafilade et en testa la profondeur. Nos regards s’affrontèrent un instant. Le sien me fit peur. Il était devenu froid et cruel. Portant à ses lèvres ses doigts sanguinolents, il les lécha avec un sourire de chasseur.
    Je n’osais plus bouger, quelque chose en moi implorait la magie pour qu’elle vienne à mon secours, mais je ne trouvais ni les mots ni le sortilège pour échapper à cet homme. Comme si quelque chose en lui me fascinait malgré tout. Peut-être ce sentiment étrange que nous étions à présent unis par le sang. Celui de Louis et le sien se mélangeaient tout à coup. Peut-être était-ce là le prix de ma trahison. Je murmurai, les dents serrées :
    – Qu’on en finisse. Vite !
    – Et ensuite tu mourras, ajouta-t-il froidement avant de se coucher sur moi.
    La douleur m’arracha un cri tandis qu’il fouillait mes cuisses molles, mais je fermai les yeux et songeai à Jaufré. Partir loin, loin, ne pas me laisser souiller par ses grognements de bête, ne pas me laisser prendre l’âme à son jeu. N’être qu’une paillasse sans vie qui ne lui apporterait rien de ce qu’il avait pu imaginer.
     
    Sa besogne

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