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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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et s’accouda à nos côtés. Il était pâle, mais je l’étais tellement aussi que je ne pensais pas qu’il pût souffrir d’autre chose que de ce mal de mer qui nous prenait toutes par intermittence.
    L’écume venait s’écraser contre la coque en un mouvement lent et régulier.
    – Regardez ! lança Aliénor gaiement.
    Une compagnie de dauphins sautait dans notre sillage pour nous saluer. Leur ballet nous arracha un rire léger. Il était de ces moments de paix qui valaient toutes les fortunes du monde !
    – Ceux-là sont nos amis, à n’en pas douter !
    Nous nous retournâmes de concert pour accueillir le visage souriant de Geoffroi de Rançon qui s’était avancé jusqu’à nous. Aliénor le gronda :
    – Messire, vous faites preuve d’un mauvais esprit ! Nous n’avons plus que des amis sur ces eaux.
    – Surtout depuis que le navire de notre bon sire Louis a été contraint de faire escale pour avarie ! répondit-il avec une pointe d’impertinence.
    Aliénor éclata de rire.
    – Gare à vos paroles, messire de Taillebourg ! Bien que je doive reconnaître que ce répit m’est aussi agréable qu’à vous. Mais oublions le roi voulez-vous ? Allons plutôt retrouver ces dames et cette pauvre Sibylle. Nous pourrions jouer aux devinettes, vous excellez en ce domaine. Vous joignez-vous à nous ? demanda-t-elle encore en s’adressant à Jaufré et à moi.
    – Point pour moi, Majesté. Je m’en vais aller chanter la beauté de ce ballet aquatique à ses protagonistes.
    – En ce cas, je vous accompagne, murmurai-je, comprenant que Jaufré souhaitait demeurer seul.
    Nous jouâmes un moment, délaissant Sibylle qui ne parvenait à se remettre totalement de ce qu’elle avait vécu et gardait un regard vide et tourmenté. Puis, bercées par un roulis régulier et la douceur du soleil, nous nous abandonnâmes à la rêverie. Par instants, j’entrouvrais les yeux pour regarder Jaufré. Il s’était juché sur la figure de proue malgré les recommandations et les grognements du capitaine qui estimait dangereuse cette position instable. Mais lui s’en moquait. Sa mandore à la main, il puisait là quelques rimes qu’accompagnait parfois un accord. Jaufré composait. Et l’admirer ainsi, baigné de lumière, m’emplissait d’un bonheur sans pareil.
     
    – Navire à bâbord, navire à bâbord !
    Habituées à ces hurlements de la vigie qui indiquaient fréquemment que nous croisions un bateau et qu’il fallait barrer en conséquence, nous tournâmes à peine la tête. Ce fut le second cri qui nous donna l’alerte :
    – Navire à bâbord, il fonce droit sur nous, cap’taine !
    Debout sur le quart avant, Antonio fixait l’horizon en protégeant ses yeux d’une main en visière. Il donna quelques ordres que nous ne comprîmes pas. Mais point n’était besoin. Nous nous dressâmes de concert pour juger nous-mêmes du danger. Toutes voiles dehors, un navire léger fondait sur nous à grande vitesse, arborant pavillon grec.
    Aliénor poussa un petit cri et tendit le doigt au nord. Dans son encablure elle venait d’apercevoir un deuxième vaisseau qui le suivait en ligne. D’un bond, elle se rendit sur le quart avant auprès du capitaine.
    Je lançai un œil inquiet en direction de la proue. Jaufré n’y était plus. Un sentiment de panique m’envahit, aussitôt apaisé par sa silhouette qui était réapparue et s’avançait, féline, sur le pont. En quelques enjambées, il fut à nos côtés :
    – Je crains, damoiselles, que ce pavillon ne soit pas amical, vous feriez mieux de vous enfermer dans vos cabines sur-le-champ et de n’en point sortir avant que l’on ne vous délivre.
    Mais Faydide de Toulouse, qui avait reçu à Damas une méchante estafilade de la commissure des lèvres à la tempe droite, redressa son menton anguleux et, d’un regard fier, le toisa en bombant le torse :
    – Nous avons affronté les Turcs, croyez-vous que nous allons trembler devant des Grecs ? L’heure est venue de venger nos compagnes enlevées à Adalia !
    Joignant un geste déterminé à ses paroles, elle sortit du fourreau la lame qu’elle seule n’avait pas abandonnée dans sa cabine.
    – Dame Faydide a raison, insistai-je. Allons prêter main-forte à nos hommes ! Toutes à nos épées, damoiselles de France.
    Je vis Jaufré frémir, mais il ne souffla mot, tandis que dans un cri de rage, chacune se précipitait dans les entrailles du navire pour y récupérer sa

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