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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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dragon.
    – Un dragon ? Aussi hideux que ceux des récits légendaires ? Avec plusieurs têtes et crachant du feu ?
    – Pire encore, il avait une haleine putride et de gros yeux roulant en tous sens, de cette manière-là.
    Entrant dans son jeu, je me dressai sur mon séant et mimai le monstre. Il rit de ce rire clair que j’aimais. Puis il m’attira de nouveau contre lui.
    – Je t’aime, Loanna de Grimwald.
    – Je t’aime aussi, Jaufré de Blaye.
    – Blaye sera bien gardée si tu peux tenir ses ennemis à distance avec de pareils stratagèmes. Bon sang, Loanna, j’ai en toi une confiance infinie, mais, si par malheur quelqu’un venait à surprendre l’une ou l’autre de tes pratiques, tu serais soupçonnée de t’être acoquinée avec le Malin. Parfois tout cela m’effraie. La chance a voulu que tes ennemis ne soient pas sur ce navire, mais regarde ce qu’il est advenu à Antioche. Et puis il y a autre chose.
    Il saisit sur une tablette un bijou, qu’il me tendit. Ma pierre de lune, suspendue à sa chaînette d’or. Je portai la main à mon cou.
    – Le fermoir est brisé. Au moment où l’on allait jeter à la mer celui qui semblait être le chef, j’ai vu ceci pendre de sa main. Inutile de te dire que je me suis empressé de la lui reprendre. C’est alors que j’ai découvert ceci.
    Il ouvrit sa main, et je reconnus une bague élégamment travaillée au sceau de Manuel Comnène.
    – On ne nous a pas attaqués par hasard, Loanna. Aliénor pense que c’est à cause d’elle que les Grecs ont agi, pour obtenir une rançon royale. Et je l’ai cru tout d’abord, mais je n’en suis plus sûr. C’est toi que ce barbare cherchait. Geoffroi de Rançon est de mon avis, Comnène voulait sa revanche.
    Je secouai la tête.
    – C’est déjà si loin…
    – Tu es différente des autres, Loanna et c’est pour cette raison que l’on te désire ou que l’on souhaite ta perte. Epouse-moi vite, avant qu’un quelconque vassal à la solde de tes ennemis ne demande ta main à Louis et l’obtienne.
    – Louis ne ferait pas cela sans mon consentement.
    – Sans doute pas, mais peux-tu l’assurer ? Les murailles de Blaye sont à même de faire taire les prétentions de plus d’un, et j’ai de mon côté de nombreux alliés. En te donnant mon nom et mon titre, je te donne mes terres et mes gens pour veiller sur toi, bien plus que ces pauvres mains de poète ne le peuvent.
    – Laisse-moi quelque temps encore, Amour. De retour en France, Aliénor rejettera Louis au nom du droit canonique et l’Angleterre aura sa reine. Dès lors, plus rien ne s’opposera à ce que je suive mon propre destin.
    – Est-ce une promesse ?
    – Ma vie tout entière est une promesse.
    Et pour mieux sceller ce serment, je me couchai sur son corps doux comme un voile de soie.
     
    Nous débarquâmes bientôt à Palerme, où nous apprîmes que le navire de Louis avait lui aussi été attaqué par la flotte byzantine et sauvé par les Normands de Sicile. Trop heureux d’être parvenus à bon port sans autre incident, nous gagnâmes Potenza, où le roi Roger nous reçut avec sollicitude.
    Retrouver la terre ferme sous mes pieds me fit du bien, et j’eus un sentiment de bonheur infini en me disant que ces nausées allaient enfin prendre fin. Hélas, je dus déchanter très vite. Dès le surlendemain de notre escale, dans le palais ensoleillé et blanc du roi, les vomissements me tirèrent du lit. En me redressant pour m’essuyer au-dessus du bassin d’argent qui servait à ma toilette, je croisai mon visage dans un miroir. Cela faisait plusieurs semaines que je n’avais prêté attention à mes traits, et les cernes violacés sous mes yeux me firent peur. Et puis, soudain, ce fut la révélation.
    Enceinte ! J’étais enceinte ! Je portai les mains à mon ventre. Il était un peu gonflé, certes, et mes seins s’étaient alourdis. Comment n’avais-je pu me rendre compte de rien ? Il était vrai que, sur le navire, je passais peu de temps à m’occuper de moi. Je cherchai dans mes souvenirs la date de mes derniers flux menstruels. À cela aussi je n’avais prêté aucune attention. Cela devait bien faire trois mois. Trois mois ! Un vertige me prit et je dus m’appuyer sur le montant du lit. Trois mois, et je n’avais sous la main aucune herbe pour faire partir l’enfant. Je tremblais d’angoisse. L’enfant de Jaufré était là, blotti dans mon ventre. J’aurais dû sauter de joie, et je ne

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