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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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jusqu’à la porte.
    Lorsqu’elle fut sortie, je me laissai tomber sur l’oreiller et fermai les yeux. Je ne regrettais rien des paroles que j’avais prononcées. Au contraire, elles me soulageaient.

10
     
     
    Quelques semaines plus tard, Aliénor mettait au monde une fille prénommée Alix. Elle avait le teint pâle et le front de Louis, de sorte que nul au palais ne songea cette fois à attribuer cette naissance à un quelconque adultère. Louis vint prendre l’enfant dans ses bras et, malgré son regret de n’avoir toujours pas de fils, embrassa la reine avec effusion. Marie qui se tenait à côté du berceau, n’eut pas même droit à un regard tandis qu’il recouchait sa sœur avec précaution. Aliénor vit les yeux de l’enfant s’embuer de larmes mais elle n’intervint pas. Elle se promit de lui mentir et d’affirmer qu’il avait fait de même à sa naissance, car elle se doutait que le premier moment d’émotion passé, Louis ne s’intéresserait pas davantage à cette enfant qu’à l’autre. Le pape leur avait annoncé un fils pour sceller leur réconciliation, mais une fois encore Dieu n’avait rien voulu entendre de leurs prières. A croire qu’il refusait de les unir véritablement par le sang.
    Nous étions en avril 1150, et les premières fleurs de lilas embaumaient les jardins. La saison s’annonçait douce après le rude hiver que nous avions connu. Louis avait décidé qu’on célébrerait le mariage de Béatrice à l’occasion des fêtes de la Pentecôte. Ensuite, la reine et lui-même partiraient visiter leurs vassaux qu’ils n’avaient pas vus depuis leur retour de croisade. Ces derniers mois avaient été ennuyeux à la limite du morbide. Certes, reprendre les habitudes de la cour avait tout d’abord semblé reposant, mais il manquait un peu de cet imprévu et de ce piquant que nous avions laissés derrière nous dans les terres d’Orient.
    Aliénor se réjouissait donc de voyager de nouveau et d’être enfin délivrée de ce fardeau qui la faisait ressembler à une roue de charrette. Elle avait énormément grossi et désespérait de retrouver une taille fine. Elle serait sans doute allée quérir l’aide de la sorcière du marais si celle-ci n’était morte pendant que nous étions à Constantinople.
    Lors, Aliénor subissait ses relevailles en préparant les festivités. J’avais repris le dessus, même si la naissance d’Alix avait ravivé en moi la perte cruelle de mon enfant. En devenant ma filleule, elle était de fait devenue un peu mienne et Aliénor me la laissait cajoler autant que je le voulais. Bernard de Ventadour avait envoyé ses félicitations, ce qui nous permit d’apprendre qu’il séjournait à la cour de Normandie près d’Henri. Il se préparait là bas de grands affrontements car Étienne de Blois s’était mis à dos les barons, de sorte que Geoffroi le Bel et son fils recueillaient de plus en plus de doléances et d’alliés.
    Je m’étourdissais dans les activités quotidiennes, d’une part parce que préparer l’hymen de Béatrice me rapprochait de l’heure de ma vengeance et, d’autre part, parce que j’oubliais ainsi les visions qui m’assaillaient chaque nuit. Jaufré était là, étendu sur un parterre de fleurs, tendant les bras vers moi. Je ne savais plus comment interpréter ces songes, j’avais conscience que quelque chose de primordial m’avait été révélé pendant mon inconscience, mais je ne voyais que des bribes.
    Béatrice m’évitait. Elle passait de longues journées enfermée dans l’église. De la jovialité et de l’enthousiasme même feint qu’elle affichait avant l’incident, il ne restait rien. Certaines mauvaises langues répandirent le bruit qu’elle se sentait responsable de ma fausse couche pour n’avoir pas su intervenir assez tôt, ou encore m’avoir par ses fiançailles obligée à un surcroît de travail quand la température extérieure était trop fraîche, bref, en tous les cas, qu’elle se sentait responsable. Peut-être était-ce vrai. Béatrice me haïssait, mais je doutais qu’elle puisse attenter à la vie d’un enfant. J’aurais dû lui pardonner de n’avoir rien su, mais je ne le pouvais. C’était comme si la seule pensée de sa mort à présent inéluctable m’aidait à vivre.
     
    Il faisait un soleil radieux en ce jour de Pentecôte. Toute la matinée, les joutes avaient opposé les seigneurs. J’avais eu grand plaisir à retrouver Geoffroi de Rançon. Il fut

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