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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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présent.
    – Loanna de Grimwald, ce que tu as vu est l’avenir dont dépend ta vie ou ta mort, murmura Merlin.
    – Vous mentez, Jaufré est mort.
    – L’eau du puits sacré ne peut mentir. Si tu choisis de mourir, alors Jaufré restera prisonnier de son mal dans ce royaume de Tripoli où il se trouve, et l’Angleterre tombera sous la domination définitive d’Étienne de Blois, car Henri mourra dans la bataille.
    – Quelle importance, lui ou un autre ? hurlai-je pour me défendre, mais déjà au fond de moi s’ébranlaient mes certitudes.
    Oui, je le savais, je l’avais toujours su, Jaufré n’était pas mort !
    – D’Aliénor, Henri aura un fils, dont l’histoire du monde retiendra le nom et qui sera un grand roi, de la lignée des enfants d’Avalon, gardien d’une tradition et d’un savoir qui ne doivent pas se perdre. C’est notre devoir, insista Guenièvre. C’est ton devoir, Loanna, ma fille. Ne sous-estime pas les pouvoirs de l’amour.
    – Ai-je le choix ? me lamentai-je.
    La dame s’avança et m’attira à elle, me berçant tendrement contre son corps chaud :
    – Ma petite, ma toute petite, un jour proche viendra où tu porteras ma descendance et celle des peuples engloutis, et où tu seras, comme je l’ai été, la plus heureuse des mères. Aie confiance. Rien n’est le fruit du hasard et pourtant nous ne pouvons laisser se nouer et se dénouer sa trame sans veiller au devenir de cette terre qui est nôtre. Étienne de Blois n’est pas un bon roi pour l’Angleterre. Il est fourbe, déloyal et parjure à nos traditions. Henri est cruel parfois, obstiné et coléreux, mais il sera juste et sa lignée servira une grande cause. Ce que tu as aujourd’hui l’impression de sacrifier, tu t’apercevras demain que ce n’était qu’une peccadille, lorsque fleurira ce que tu as semé. Alors, je te le promets, tu choisiras ta vie. Avalon n’est plus rien pour les hommes et sans doute suis-je la dernière de ses dames. Même le peuple des fées s’en est allé dispenser sa sagesse ailleurs. Nous n’intervenons plus que pour rendre justice à ceux de notre race et tenir sur le trône d’Angleterre le sang des anciens sages, la lignée royale de nos pères. Tu n’as pas été destinée à devenir la prochaine dame. Ni Merlin ni moi ne décidons de ces choses. Sache seulement que cette mission est pour toi la dernière. Désormais il t’appartient de choisir. Quoi que tu fasses et penses, tu es libre.
    Me repoussant doucement, elle recula jusqu’à Merlin. Tous deux souriaient avec confiance. La haine que j’avais éprouvée pour eux revint, mais elle avait changé de cible. J’avais dans la bouche un goût âcre de vengeance. Je relevai le menton et d’une voix ferme exigeai :
    – Il est une ancienne loi qui dit : Une vie pour une vie, sang contre sang. Si je réintègre la mienne, je veux la paix pour mon enfant.
    Merlin hocha la tête en signe d’assentiment. Mère prit une profonde inspiration et assura :
    – Une vie pour une vie. Béatrice de Campan mourra !
     
    La douleur me plia en deux et une fois encore je vomis. On m’avait transportée dans ma chambre au palais. De mon voyage, je ne gardais que quelques certitudes : les visages mêlés de mère et de Merlin, la mort de mon enfant et le châtiment pour Béatrice. Elle se demanda sans doute comment je parvins à survivre à son crime abominable. J’eusse pu la dénoncer, mais qui aurait cru que le poison n’avait pas fait son œuvre jusqu’au bout ? L’explication qu’Aliénor me donna, en larmes, était plus crédible : j’avais fait une fausse couche, peut-être à cause des vapeurs des bains de teintures que je respirais depuis trois jours. Mais l’enfant était mort-né et cela seul suffisait à expliquer mon état de faiblesse et mon malaise. C’était une fille, une toute petite fille, qu’on me refusa de voir pour ne point me blesser davantage encore. Panperd’hu était à mon chevet.
    Il serrait ma main et pleurait. Cette enfant était devenue la sienne depuis la mort de Jaufré. Il devinait ce que je pouvais ressentir.
    La nouvelle s’était répandue comme un incendie de forêt. Les commentaires allaient bon train. Avant longtemps, je le devinais, Suger déboulerait dans ma chambre pour m’exhorter à me confesser et à purger mon âme. Nul doute qu’il me sermonnerait en prétendant que cet enfant conçu dans le péché ne pouvait pas survivre et que Dieu l’avait rappelé

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