Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
pour enfin marier sa plus fidèle dame de compagnie dont on raille la vertu, d’autres encore qu’elle s’est laissé séduire par cet homme qui porte beau, d’autres encore qu’elle le regarde passionnément. La rumeur a d’infinis visages.
    – Vous, mon ami, vous qui l’avez vue sans l’approcher, qu’en pensez-vous ?
    – Ce que j’en pense ? Que derrière le sourire se cache le regard le plus triste qu’il m’ait été donné de voir avant ce jour, acheva l’homme en se détournant de Jaufré.
    Celui-ci n’eut pas un mouvement. Hodierne en conclut qu’il en avait fini avec l’interrogatoire.
    – Vous pouvez aller, mon ami, dit-elle à son messager, en lui remettant une bourse de cuir abondamment garnie.
    Lorsqu’ils furent seuls, Jaufré se laissa aller à ces larmes indisciplinées qui étaient son lot depuis trop longtemps. Parfois, elles le fuyaient, comme taries, comme si sa détresse était au-delà de l’expression d’autres fois, elles le ravageaient sans qu’il puisse rien pour les arrêter. Là, elles s’écoulaient simplement. Et, avec elles, toute sa vie. Il n’en pouvait plus.
    Hodierne lui prit les mains.
    – Regardez-moi, Jaufré.
    Il leva sur elle ses yeux poignants de douleur. Et soudain elle comprit. Elle comprit que jamais, jamais quoi qu’elle fasse, elle ne séparerait ces deux cœurs qui se mouraient. Alors, elle fit ce qu’elle s’était juré de ne jamais faire et dit ce qu’elle aurait voulu ne jamais s’entendre dire :
    – Un bateau part demain. Va. Va ! Elle seule désormais peut décider que tu vives ou meures. Alors va !
    Il se leva doucement et attira contre lui ce corps parfait qu’il n’avait aimé qu’une fois et le serra, serra, serra, comme pour ne jamais oublier ce qu’il lui devait.
     
    Une foule importante emplissait l’immense salle de réception du palais de la Cité. Tous avaient tenu à assister à la rencontre historique entre Geoffroi le Bel et le roi de France. Bien plus, le fait que Bernard de Clairvaux soit là, debout tel un juge, simple dans sa bure grise, une croix de bois plaquée sur sa poitrine frêle et pourtant tant redoutée, faisait naître un silence tel que l’on entendait jusqu’au crissement des robes d’apparat.
    Geoffroi le Bel et son fils Henri s’avancèrent côte à côte, le pas assuré et le regard fier, toisant ceux qui s’écartaient devant eux d’un mépris écrasant. Un murmure de désapprobation s’éleva dans la salle. Derrière eux marchaient deux soldats encadrant un prisonnier chargé de chaînes : Giraud Berlai.
    Louis se mordit la lèvre de rage. Mais déjà Bernard levait les bras aux cieux pour ramener le silence. Geoffroi le Bel et Henri le saluèrent, faisant fi du roi de France. Lors, Bernard de Clairvaux prit la parole, et sa voix fendit l’air chargé d’animosité :
    – Soyez les bienvenus, messires. Je me suis entretenu avec Sa Sainteté le pape. Il consent à vous relever de votre excommunication si vous libérez cet homme que vous promenez devant nous sans souci de son rang et de sa charge, tel un vulgaire voleur de pommes. Relâchez-le sans tarder et déclarez-le libre.
    Loin de courber la tête devant cette injonction, Geoffroi le Bel le défia d’une voix forte :
    – Je refuse, mon père. Si c’est une faute que détenir un prisonnier sur lequel on a fait valoir ses droits, alors je refuse d’en être absous !
    Il y eut un nouveau remous dans l’assistance. Bernard de Clairvaux eut un regard terrible.
    – Prenez garde, comte d’Anjou, car vos juges auront pour vous la justice que vous appliquez !
    Mais déjà Geoffroi et son fils avaient tourné le dos à Bernard et marchaient vers la porte.
    Avant que les deux gardes ne l’entraînent sur leur trace, Giraud Berlai glissa à Bernard :
    – Peu importe ce qu’il adviendra de moi, mon père, que Notre-Seigneur tout-puissant entende seulement les cris des miens condamnés sans raison.
    Alors Bernard laissa sa voix courir sur les traces de l’homme qu’on emmenait déjà :
    – Ne crains rien pour eux, mon fils, les innocents sont bienheureux entre les mains de Dieu.
     
    Il fallut néanmoins à Bernard de Clairvaux beaucoup d’autorité pour retenir le bras vengeur de Louis. Lorsque la foule se dispersa au congé que lui donna le saint homme, le roi de France était à deux doigts d’exiger que l’on fasse arrêter sur-le-champ Geoffroi le Bel et Henri Plantagenêt.
    – N’en faites rien, ou

Weitere Kostenlose Bücher