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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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parenté qui est nôtre et qui aurait dû faire annuler notre hymen.
    – Le pape lui-même l’a déclarée caduque.
    – Le pape souhaitait réconcilier un royaume. Et en cela je ne juge pas qu’il eut tort. Pourtant, cette vérité est là, Louis, et au regard de Dieu, les intérêts des hommes sont peu de chose. Si, en quinze années, je n’ai pu vous donner cet héritier que nous souhaitions tant, ce ne peut être à mon sens que pour cette seule raison.
    – Alors, qu’allons-nous devenir ? J’avais espéré en venant vous voir que vous m’ouvririez vos bras comme dans ces premiers temps et que j’oublierais brusquement l’échec qui nous vieillit. Le trône a besoin d’un héritier. Et, malgré tout ce que j’ai pu dire et penser, vous êtes une grande reine, Aliénor.
    – Je ne peux, Louis. Pardonnez-moi. Je ne peux.
    Il eut un sourire amer.
    – À d’autres, pourtant, vous n’avez cessé de vous livrer corps et âme. Non, ne niez pas, vous me feriez plus de mal encore. Je suis las des mensonges. Je sais. Cela suffit. Dites-moi seulement ce qu’ils avaient de différent.
    Elle déglutit, puis, d’une voix meurtrie, laissa tomber dans le silence qui s’était installé :
    – Ils m’ont aimée, Louis. Véritablement et totalement aimée.
    Alors, il tourna vers elle un visage ravagé par la douleur.
    – Peut-être n’est-il pas trop tard ? demanda-t-il en lui prenant la main avec douceur.
    – Non, Louis, c’est votre solitude qui vous égare. On ne ranime pas un feu avec des cendres froides. Et quand bien même vous le pourriez de toute votre âme, de tout votre cœur, le mien n’est plus que ruines. Il est trop tard, Louis.
    Il secoua la tête en silence, comme s’il mesurait combien elle avait raison. Puis, d’une voix brisée, il murmura :
    – Vous êtes fatiguée. Je vais vous laisser dormir.
    Elle ne répondit rien. Il n’y avait rien à répondre. Elle ne le désirait plus. Elle se demandait même s’il l’avait, lui, un jour, véritablement désirée.
    Avant de refermer la porte, il s’arrêta et se tourna vers elle :
    – M’avez-vous aimé, Aliénor, une fois, une seule fois, autant qu’eux ?
    – Oui, Louis.
    Il eut un soupir désolé.
    – Alors, je mérite ce qui est.
    Lorsque la porte se referma doucement sur la silhouette effacée et meurtrie du roi de France, Aliénor se rendit compte qu’elle pleurait. Elle n’avait pas menti. Elle l’avait aimé, peu de temps certes, mais elle l’avait aimé, jusqu’à être lassée, blessée, de n’avoir jamais pu savoir laquelle, de la Bible ou de la femme, il avait épousée.
    Elle allait partir rejoindre le royaume et l’homme qui lui étaient promis. Cela eût dû être une vengeance, mais, soudain, elle prit conscience que celle-ci n’avait plus d’importance. L’aveu de Louis venait de lui faire oublier ces années de rancœur. De réveiller en elle la pitié et la tendresse. Au fond Louis était comme elle, l’un et l’autre avaient désormais besoin d’aimer. Véritablement et totalement. Ce fut d’un cœur neuf et libre qu’elle s’endormit, et peu à peu s’imposa dans son rêve un visage flou qui riait dans une forêt rousse.

14
     
     
    Geoffroi de Rancon s’inclina devant la reine avec un sourire qui fendait son visage tel un croissant de lune. Juin 1151 s’achevait, pluvieux et maussade, comme le climat de tension qui alourdissait le royaume. Le 13 juillet, Geoffroi le Bel et Henri Plantagenêt étaient attendus avec le roi de France devant Bernard de Clairvaux. Depuis que les deux parties avaient accepté de se rendre à la convocation du saint homme, les hostilités s’étaient figées. Cela pourtant n’allégeait pas l’atmosphère, et chacun se préparait à l’affrontement. La confiance n’y était pas.
    Voilà pourquoi, quand le seigneur de Taillebourg demanda une audience solennelle à la reine et à son roi, cela attira du monde. Les bruits de couloir allaient bon train, car, depuis deux semaines, Geoffroi de Rançon séjournait au palais de la Cité et ne cessait de se promener en ma compagnie. Je n’avais pas eu le cœur de lui refuser le plaisir de s’afficher avec moi. A présent qu’Aliénor m’avait confirmé que Louis, le moment venu, ne s’opposerait pas à l’annulation de son mariage, je n’avais plus aucune raison de repousser l’annonce de nos fiançailles.
    Il y eut un murmure dans l’assistance, lorsque la voix chaleureuse du sire de

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