Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
démonstration de force et clama haut et fort que la paix devait être rétablie, coûte que coûte. Il s’en irait lui-même tenir des propos identiques à Geoffroi le Bel et à son fils, offrant son arbitrage dans le différend qui opposait les deux parties.
    Louis rumina. Il attendait plus que de simples excuses désormais. Toutefois, il plia. La voix de Bernard était telle une tempête dans un désert, chacun courbait la tête et protégeait son âme.
    Curieusement, Geoffroi et Henri firent de même. Mais je les connaissais assez pour savoir que ce n’était pas la perspective du châtiment de Dieu qui les avait décidés, mais bien plutôt l’immense armée qui se cantonnait à leurs flancs. Quant à savoir ce qu’il adviendrait de cette entrevue fixée au mois de juillet 1151, c’était une autre affaire !
     
    – Que voulez-vous ? demanda aigrement Aliénor en voyant la silhouette de Louis s’encadrer dans l’embrasure de la porte.
    Elle venait de se coucher et s’apprêtait à moucher la chandelle, lorsqu’elle avait entendu frapper. Pensant qu’il s’agissait de moi, elle avait naturellement invité son visiteur à entrer. La surprise qu’elle eut en découvrant Louis se glaça en un rictus de haine.
    – Je désirais vous entretenir. Le puis-je ?
    Louis ne semblait pas menaçant. Elle hocha la tête en tirant à elle les draps pour couvrir sa chemise, ce qui eut pour effet de faire sourire le roi. Il s’assit sans façon sur le lit, tandis que, dans un geste de défense incontrôlé, Aliénor s’écartait sur le côté.
    – Il y a bien longtemps, soupira Louis en frôlant d’une main molle l’oreiller sur lequel tant de fois il avait posé sa nuque.
    – Je suis fatiguée, Louis, venez-en au fait, voulez-vous ? insista Aliénor en bâillant ostensiblement.
    – Le fait ? Faut-il un fait pour qu’un époux rende visite à sa femme ? Oui, bien sûr. Lorsqu’il n’existe plus entre eux que déchirement. Comment en sommes-nous arrivés là Aliénor ? Vous ne m’aimez plus, et j’avoue avec effroi que je n’éprouve plus pour vous qu’indifférence. Qu’avons-nous fait à Dieu pour qu’il punisse ainsi notre union ?
    Aliénor se mordit la langue. Elle eût volontiers craché comme un venin cette vérité qu’elle venait d’apprendre, mais jugea qu’il valait mieux ne pas risquer de compromettre l’avenir. Elle se contenta de garder le silence. Louis lui faisait peur, plus encore dans ce soudain abattement qui alourdissait ses épaules que dans sa superbe.
    – Je suis un homme seul, Aliénor. Bien seul. Et pourtant j’ai à mes côtés la femme la plus belle de ce royaume. Quelle a été mon erreur ? Ne vous ai-je pas assez comblée ? Sans doute vous aurait-il fallu davantage de caresses ? J’en suis sevré, mais elles ne me manquent plus. Je n’ai plus que haine au cœur, rancœur et amertume. Quant à ces regrets pour tout ce à côté de quoi je suis passé, il faudrait plus que mes larmes pour en faire des chapelets. Je n’ai même pas la certitude d’être un bon roi.
    Aliénor sentit malgré elle sa gorge se nouer. Jamais Louis ne s’était confié ainsi, jamais elle ne l’avait vu si misérable. Sa colère tomba d’un coup, lorsqu’il étouffa un sanglot en murmurant d’une voix cassée :
    – Vous ne dites rien. Vous avez raison. Je ne mérite rien d’autre que votre indifférence.
    Alors, elle posa une main sur son bras que le maniement de l’épée avait épaissi.
    – Ne croyez pas cela, Louis. Vous ne m’êtes pas indifférent, en vérité. Nous n’avons pas choisi l’un et l’autre ces épousailles. Nous avons cru que nos différences pouvaient se compléter, et je persiste à croire que s’il n’y avait eu Suger entre nous, cela eût été possible.
    – N’accablez pas sa mémoire. Certes il eut tort parfois, mais il croyait sincèrement que notre union était bénie de Dieu, et j’ai souci de me rattacher encore à cela. Car, sinon, tout, depuis quinze ans n’aurait été que mensonges et abîme.
    – Croyez ce que vous voudrez, Louis. Pour ma part, j’en viens aujourd’hui à voir les choses différemment. Ce fils que Dieu nous a refusé n’est-il pas à lui seul le signe que notre union est illégitime ? Que nous ne sommes que des pécheurs devant l’Éternel ?
    – À quoi faites-vous allusion ?
    Louis avait pâli. Sans doute avant même de poser cette question savait-il déjà la réponse.
    – À cette

Weitere Kostenlose Bücher