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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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difficile de lire le langage des signes.
    Mais déjà je savais. Je savais où le trouver. Je me levai d’un bond et souris à ce visage rond et amical. La flamme qui passa dans ses yeux soudain me fit prendre conscience d’une autre réalité. Je les scrutais pour m’en assurer, puis, d’une voix raffermie par le bonheur, demandai :
    – Je ne connais toujours pas votre nom, mon père.
    Alors, il eut un sourire qui acheva de me convaincre.
    – Cherche dans ton cœur, mon enfant.
    Je me penchai doucement vers lui et posai un baiser léger sur sa peau douce.
    – Merci… Merlin.
    Il y eut un petit rire comme un son de clochettes venu du pays des fées. Et une myriade de papillons multicolores entoura les branches de l’aulne.
    – Va.
    Alors, je courus. Lorsque, arrivée en haut de la butte pour reprendre le chemin, je me retournai, il n’y avait plus que la pierre, l’arbre et l’eau, et tout autour de l’endroit des milliers d’étoiles qui scintillaient encore d’amour et de lumière.
     
    – Je ne peux vous épouser, Geoffroi. Jaufré est vivant !
    Geoffroi de Rançon me regardait, hébété. Je l’avais trouvé devant les écuries en m’y précipitant. Il m’y attendait. J’avais oublié que nous avions prévu de faire une promenade à cheval le long de la rivière. J’avais tout oublié, jusqu’à mon mariage. Jusqu’à ma vie pendant ces deux longues années. Ma vie sans Jaufré. J’avais les cheveux en bataille et les joues en feu d’avoir couru. Je devais ressembler à une démente et je m’en rendis bien compte lorsque, reprenant ses esprits, il me demanda avec prudence :
    – Que vous arrive-t-il, Loanna ? Ne seriez-vous point victime d’une insolation par ce grand soleil ? Vous paraissez brûlante de fièvre.
    Je pris soudain conscience que j’allais lui briser le cœur. Je fis donc taire mon impatience et ma fougue. Et puis ce n’était pas l’endroit idéal pour une conversation de cet ordre, d’autant plus que ma mine désordonnée attirait sur nous les regards.
    – Prenons nos montures, Geoffroi. Et pardonnez mon inconduite.
    Il eut le tact que je lui connaissais et appréciais de n’en pas exiger davantage. Quelques minutes plus tard, nous chevauchions côte à côte sur les bords du Clain et j’essayais de rassembler mes idées. Le simple fait de savoir que Jaufré vivait et qu’il me fallait raisonnablement régler ces détails avant de le rejoindre et de lui crier mon amour me mettait aux enfers. J’aurais tant voulu qu’il ne s’échappât point. Qu’il ne doutât pas de mes sentiments. Lorsque mes pensées, bondissant au rythme du trot soutenu de ma monture, trouvèrent un cheminement logique, alors je mis pied à terre.
    Geoffroi m’imita. Il devait sentir que quelque chose se préparait, car il m’avait jeté de brefs coups d’œil inquiets tout au long de cette promenade silencieuse et n’avait pas cherché à brusquer le dialogue.
    Un pré s’ouvrait devant nous, surplombé d’un moulin. On entendait, mêlé au roucoulement de la rivière, le crissement de la meule qui broyait le blé. Parfois, un halo de poussière de farine s’envolait par une des fenêtres. La campagne sentait bon. Comme je me sentais légère, moi-même !
    Geoffroi noua ses doigts autour des miens. Je le laissai faire. Lorsque je m’assis dans l’herbe tendre, il fit de même, sans me lâcher. Il était mon ami. Il comprendrait.
    – Durant tous ces mois, Geoffroi, vous avez œuvré pour moi, vous m’avez donné plus qu’aucun homme ne l’avait jamais fait, commençai-je, et je jure devant Dieu que j’étais prête sinon à vous aimer, du moins à vous rendre autant qu’il m’était possible votre tendresse et votre générosité. Or, ce que je viens d’apprendre m’a bouleversée au point que je ne peux vous épouser sans vous trahir, sans me trahir et sans trahir l’homme que je n’ai cessé d’aimer. Jau-fré de Blaye est vivant. Il a vécu durant toutes ces années un cauchemar qui lui avait fait renoncer à répandre la nouvelle. Mais aujourd’hui il est revenu de Tripoli, et, malgré toute mon affection pour vous, c’est à lui que j’appartiens corps et âme. C’est à lui que je suis promise.
    La main de Geoffroi serrait mes doigts à les broyer. Lorsque je me tus, je vis que son visage s’était crispé et qu’il prenait sur lui pour ne pas rugir. Il souffrait. Je m’en voulus amèrement. Mais il était trop tard, ou trop tôt.
    – Je

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