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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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majestueux dans sa simplicité, tandis que derrière lui le promontoire rocheux détaché par le contre-jour s’auréolait d’un brasier somptueux.
    Il était entouré des notables et des abbés, d’enfants qui portaient des bouquets et des fruits, tous touchés par l’honneur que nous leur faisions de séjourner une nuit dans leur fief.
    Aliénor s’en émut sincèrement, troublée sans doute aussi par la beauté du spectacle. Malgré le désaccord de Suger qui souhaitait hâter le voyage, le cortège s’était scindé en deux groupes. L’armée du roi constituée de plus de trois mille soldats était partie par les terres avec les chariots, la suite d’Aliénor et de Louis par le fleuve. Tout le monde devait se rejoindre le lendemain au lieu dit « Les quatre fourches » qui était l’un des points de rassemblement de l’ancienne voie romaine.
    Toute la délégation, Jaufré, Aliénor et Louis à leur tête, suivis de Suger et des abbés de Saint-Sauveur et Saint-Romain, puis de chacun selon son titre et son rang, s’avança vers le château. Il était tel que je l’avais imaginé, bien moins gigantesque que le palais de l’Ombrière et même que celui dans lequel j’avais passé mon enfance, mais de proportions harmonieuses, disposé habilement sur le plateau en recul de l’estey, avec une esplanade qui courait jusqu’aux murailles ceinturant la butte. De sorte que l’on n’apercevait l’eau que depuis les tours qui lui faisaient face.
    Le pont-levis était abaissé, et je fus surprise de constater qu’une douve contournait la bâtisse alors qu’il en existait autour du tertre. Jaufré nous expliqua qu’ils avaient détourné un bras du Saugeron et que, sans avoir de véritable utilité défensive, il apportait fraîcheur autour du château et plaisir aux enfants qui parfois venaient y faire quelque pêche miraculeuse.
    Nous fûmes servis dans une salle de dimensions agréables, suffisante toutefois pour recevoir la centaine de convives que nous étions. Le repas fut arrosé des vins des abbayes, et il me sembla n’avoir rien bu auparavant de plus savoureux. Peut-être encore une fois était-ce cet endroit plus que le reste qui donnait tout son sens à mon plaisir. Quoi qu’il en fût, lorsque nous gagnâmes nos chambres, nos oreilles et nos yeux gardaient encore l’empreinte de l’hospitalité du maître de céans.
    À son ordre, l’on me dirigea vers une des tours face à l’estey. Mes appartements étaient tout en haut, au terme d’un escalier circulaire qui desservait chaque étage. Pas très grande, les murs en pierre de taille et moellons revêtus de tapisseries et de tentures aux fenêtres, ma chambre me rappela celle d’Angers. Le lit était couvert d’un dessus de peau de bête, de même que le sol devant la cheminée qui lui faisait face. Une armoire qui touchait le plafond dégageait une odeur d’écorce d’orange, fruits rapportés lors de la première croisade et qu’Aliénor m’avait dit se plaire en Aquitaine, dans certains endroits ensoleillés. J’avais savouré le goût de ces fruits ronds et juteux, ainsi que leur parfum. Jaufré avait dû s’en souvenir.
    Une coiffeuse en vergne surmontée d’un miroir accueillait des onguents et des parfums rares, ainsi que des brosses en poil de loutre et un bassin empli d’eau de mélisse et de rose.
    Dans la lueur des chandelles, j’eus l’impression d’être chez moi.
    Jaufré ne vint me rejoindre que plus tard. Mes effets m’avaient été apportés dans leurs malles, et Camille achevait de me passer ma chemise de nuit, lorsqu’il s’annonça à ma porte.
    Mon cœur s’emballa, tant j’avais passé de minutes à guetter un pas dans l’escalier et espéré son souffle sur ma peau. Camille le fit entrer sur un signe et s’effaça aussitôt dans l’antichambre.
    Je m’installai devant la coiffeuse et entrepris de brosser mes cheveux dénoués pour garder une contenance. Jaufré s’avança derrière moi, les souleva lentement et déposa un baiser tendre sur ma nuque. Un frisson glissa le long de mes reins ; lors, n’y tenant plus, je me jetai dans ses bras.
    J’aurais aimé qu’il reste, mais il n’en fit rien. Il me dit combien ma présence le bouleversait, mais, encore une fois, celle d’Aliénor en ses murs l’exhortait à la patience. Il s’en fut sur la promesse d’un demain qui me laissa pantelante et incapable de trouver le sommeil. Quant à rejoindre Aliénor, dans ce dédale de couloirs il

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