Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
de Dreux, qui lui aussi avait quelques griefs contre la maison de Champagne. C’était la première fois que le frère du roi soutenait la reine, Louis s’y laissa prendre.
    Vitry-en-Perthois fut assiégée, mise à sac et pillée. Mus par une sorte de folie collective, les soldats à la fleur de lys incendièrent les toits de chaume, violèrent et massacrèrent. La population effrayée se réfugia dans l’église, mais cela n’arrêta pas les soudards. Louis se laissa déborder, malgré ses cris et ses ordres. Un prêtre sortit sur le parvis, pour s’interposer contre la démence des soldats, les bras ouverts, en hurlant :
    – Paix, mes frères !
    Une flèche l’atteignit en pleine poitrine. Tandis qu’il s’écroulait devant les archers amassés en demi-cercle autour du portique, il croisa le regard effaré de Louis, au milieu des jets de flammes qui convergeaient vers la maison de Dieu.
    Abasourdi, Louis tenta de s’interposer à son tour, tandis que la charpente crépitait déjà. Agacé par les flammes et les rats qui fuyaient la bâtisse, son cheval se cabra. Le roi chuta de sa selle. Ce fut son frère qui le ramassa alors qu’il allait se faire piétiner par les sabots. Il était à demi inconscient. Une odeur âcre de fumée collait aux armures. Il y eut des cris, des appels au secours. Les portes s’ouvrirent sur des femmes, des enfants qui tentaient d’échapper au brasier. Une salve de flèches les cloua sur les marches. Robert de Dreux ne broncha pas. Ses hommes ne reculèrent que lorsque les flammes vinrent à bout de la charpente et qu’un parfum acide de chair brûlée vint s’ajouter à celui de la paille et du bois. L’église flambait et avec elle plus de mille fidèles qui y avaient trouvé asile.
    C’est cette image que Louis reçut en ouvrant les yeux dans une mare de sang. Il hurla. Mais ce ne fut qu’un cri parmi tant d’autres.
     
    Depuis une semaine, la fièvre collait les cheveux du roi sur son front tourmenté. Des images macabres tourbillonnaient autour d’une croix en flammes depuis laquelle le Messie tendait un doigt vengeur qui l’accusait. Mais il avait beau se traîner dans une boue putride, les mains jointes, mendiant son pardon, Louis ne recevait en ses rêves que la certitude d’avoir donné son âme au diable.
    Plusieurs apothicaires se succédaient à son chevet, épongeant sans arrêt son visage, contraints de brûler dans la chambre des bougies et de l’encens pour chasser l’odeur âcre que dégageait la sueur maligne.
    Laissant son frère terminer à sa place la guerre en Champagne en assiégeant Reims et Châlons, Louis était revenu quelques semaines après le drame, pitoyable et brisé, le corps secoué par des fièvres qui le laissaient à peine tenir debout. Aliénor avait entendu de sa bouche tordue par un rictus de dégoût l’horreur qui avait été commise. Des larmes lui étaient montées aux yeux. La reine n’avait jamais voulu ce massacre. Elle ordonna sur-le-champ que toutes les cloches des églises du royaume s’envolent dans une même supplique de pardon, mais aucune en Île-de-France n’osa braver l’interdit qui pesait depuis la décision papale. La fille aînée de l’Église était allée trop loin. C’était la troisième fois en un an qu’elle défiait le pape, bravait ses menaces et proclamait ses propres lois.
    Les âmes des treize cents malheureux de Vitry avaient obtenu ce que la colère de Thibault de Champagne réclamait. Plus aucun office n’était célébré, et Louis se mourait.
     
    Je ne savais plus que penser. Il s’était passé tant de choses depuis que j’avais chassé Jaufré de ma vie. Tant de choses dans lesquelles je m’étais investie jusqu’à m’oublier. J’avais cru en Mathilde lorsqu’elle avait mouché Étienne de Blois et conquis le royaume d’Angleterre. Cela n’avait duré que neuf mois. En juin 1142, celle que l’on avait acclamée était répudiée et rejetée comme une mégère. Sottement, elle avait puni ceux qui l’avaient bravée, allant jusqu’à faire incendier des châteaux et pendre des notables. Mère n’était plus à ses côtés et Mathilde s’était perdue. Cela faisait à présent une année qu’elle tentait de réparer ses torts, mais en vain. Elle avait trahi la confiance de ceux qui l’avaient soutenue, y compris la mienne. Sapé à la base tout ce que mère avait patiemment construit. Depuis lors, toutes mes manigances auprès d’Aliénor n’étaient que

Weitere Kostenlose Bücher