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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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travail qu’il s’imposait l’avaient affaibli. S’il n’y avait eu la menace d’Aliénor, il n’aurait pas quitté le lit. Suger le lui avait d’ailleurs interdit, arguant que la reine n’oserait jamais, mais Louis savait. Aliénor en colère était capable de tout. Et de bien plus encore.
    Aliénor fit pénitence. Elle s’occupa elle-même de son époux avec ferveur et attention. Suger l’entendit en confession, et elle promit même de ne plus contrer les décisions du roi pour peu qu’il lui revienne enfin. Elle fit des excuses publiques à Thierry Galeran, qui se retira pourtant en ses terres pour digérer l’affront.
    Malgré l’interdit qui pesait toujours sur le royaume, on pria. Cette fois, le roi se remit de lui-même. Mais il gardait rancune à son épouse de ce geste inconséquent et, sitôt qu’il eut retrouvé ses forces, il s’en retourna à Saint-Denis.
    Aliénor se consola avec son troubadour, tandis que je redoublais de surveillance auprès de Béatrice. Elle devenait de plus en plus proche de Louis. Outre les prières, ils échangeaient de longues conversations pendant lesquelles il paraissait heureux. Louis aimait Béatrice. C’était flagrant. Mais il l’aimait d’amour pur, comme une sainte intouchable.
     
    Denys revint, et Pâques 1144 vit ses épousailles avec damoiselle de Monfort. Je m’y rendis avec le roi et la reine, et ce fut une joyeuse fête. Aliénor céda à son connétable un fief en Guyenne dont le seigneur était défunt sans héritier et qu’elle avait réservé à cet usage. Marjolaine fut chargée de l’administrer, et Denys reprit son poste auprès des gardes de la reine. Il était transfiguré par un bonheur sans tache. Il ne parla pas davantage que Marjolaine des moments passés avec le vicomte de Châtellerault, mais celui-ci assista au mariage, bravant ses deux autres fils, qui jurèrent de venger cet affront. Ce fut le seul nuage de cette journée. Ou du moins presque : combien j’aurais voulu en cet instant de promesses pouvoir poser ma main sur le poing de mon troubadour !
     
    Le printemps se passa à achever les préparatifs de l’inauguration de l’abbatiale prévue pour juin. Louis offrit à Suger le vase en béryl sur la recommandation d’Aliénor, et la jeune reine s’activa pour que chacun se souvienne aux quatre coins du royaume de ces festivités.
    En mai de cette même année 1144, Le pape Célestin II leva l’interdit sur le royaume de France : l’épouse dite « légitime » de Raoul de Crécy venait de mourir. Le sénéchal du roi de France et Pernelle firent leur apparition au palais de la Cité, et Suger les convia aux fêtes de la dédicace.
    Le conflit entre Thibault de Champagne et le comte de Vermandois s’achevait officiellement avec la levée de l’excommunication, mais rien n’était réglé pour autant. On n’enterre pas la haine en plantant une croix. Il y eut des accords, des révérences, mais l’on sentait derrière l’apparence planer une odeur de mensonge et de traîtrise.
    Il fallait que quelque chose arrive. Quelque chose de grand. Quelque chose de puissant qui rassemble les foules et désorganise les querelles en unissant les bras.
    L’idée m’apparut au matin d’un songe : Aliénor brandissant une bannière sous un soleil brûlant, une croix rouge sang flottant sur son épaule. Je lui en parlai le soir même, après qu’elle eut congédié Bernard de Ventadour.
    – Bernard de Clairvaux t’a-t-il donné sa réponse ? interrogeai-je.
    Aliénor sourit à pleines dents.
    – Elle m’est parvenue ce matin même. Je me doutais bien que le cher homme ne manquerait pas cette occasion. Il viendra.
    – Tu profiteras de sa visite pour lui demander audience.
    – Et que lui dirai-je ? Que Louis ne m’aime plus, ne me touche plus, et que je dois me satisfaire des caresses de ma dame de compagnie !
    – Tu oublies Bernard de Ventadour !
    – Lui, c’est différent.
    – Différent ?
    – Je crois que je pourrais m’en passer si le roi revenait.
    – Tu m’as dit, pas plus tard que le mois dernier, que Louis te faisait horreur ainsi.
    Elle soupira :
    – C’est vrai qu’il n’est pas bien affriolant avec sa maigreur squelettique, son crâne rasé et sa bure de prêtre, mais, depuis quelques jours, son regard brille d’un éclat surnaturel. De plus, il s’adresse à moi différemment. Peut-être a-t-il été frappé par la grâce.
    Je ne pus m’empêcher d’étouffer un rire et

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