Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
Belin n’est pas si loin.
    – Là, tu vois ! argua Pernelle.
    Aliénor me lança un regard incendiaire, mais je savais que la petite ne risquait rien. Elle mettrait au monde un beau garçon, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute.
    – Et quelle affaire justifiait pareil déplacement, dis-moi un peu ? demanda Aliénor en lançant un geste en direction du page qui attendait notre bon vouloir.
    Aussitôt, il servit à Pernelle un verre d’orangeade. La petite l’avala d’un trait, puis essuya délicatement ses lèvres avec son mouchoir de dentelle, caressant la bosse de son ventre du plat de la main. Aliénor s’attendrit de ce geste, une lueur d’envie au fond des yeux.
    – Nous étions de noces, voilà ! annonça la future maman en souriant d’aise. Tu te souviens de Camille, la fille de ma nourrice ?
    – Bien sûr, répondit Aliénor en haussant les épaules. Cette petite peste passait tout son temps dans mes jambes, chaque fois que je guettais Raymond. Je lui ai plus d’une fois botté le derrière, tu peux m’en croire.
    Pernelle éclata de rire.
    – Elle a trouvé d’autres jeux à présent et a épousé tantôt le fils du meunier de Belin, le beau Célestin. N’est-ce pas lui que tu embrassais autrefois derrière la roue du moulin ?
    – Si fait ! Mais tout cela est bien loin, petite sœur. Nous n’étions que des enfants, ajouta Aliénor, un brin nostalgique.
    – Tout de même ! Avec le fils d’un meunier. Si père avait su ! renchérit la petite en secouant ses doigts.
    – Pour sûr que j’aurais tâté du fouet !
    Et, toutes trois, nous éclatâmes d’un rire joyeux. Lorsque l’ombre descendit sur la tonnelle, nous étions encore à échanger les souvenirs d’une enfance heureuse, juste avant que le destin d’Aliénor ne bascule avec mon arrivée en Aquitaine.

14
     
     
    Avec octobre, il nous fallut regagner l’île de la Cité. L’année 1143 tirait à sa fin et septembre avait été si chaud qu’Aliénor n’avait pu se résoudre à quitter Bordeaux. Pernelle avait mis au monde un beau garçon au milieu du mois d’août et la reine, sa marraine, ne cessait de prendre dans ses bras ce nourrisson braillard. L’accouchement avait été difficile et les relevailles de Pernelle furent longues. Aliénor avait tenu à s’occuper d’elle autant que de son neveu. Le besoin de materner la tenait tout entière et elle resplendissait dès lors que l’enfant se trouvait contre son sein. S’en arracher pour rentrer à Paris lui broyait le cœur.
    J’en arrivai à cette conclusion : Aliénor devait avoir un enfant. Elle en avait besoin. Mère avait dit : « Pas d’héritier. » Rien au fond n’empêchait Aliénor d’avoir des filles. Je me promis d’agir en ce sens.
    L’autre événement qui retenait Aliénor à Bordeaux était un troubadour. Bernard de Ventadour, qu’on lui avait présenté quelques années auparavant, portait beau et chantait bien. Définitivement chassé des terres qui avaient vu sa jeunesse et ses hardiesses auprès de sa bienfaitrice, il s’était réfugié à l’Ombrière, passant par l’Aquitaine au hasard de sa route et trouvant l’aubaine à son goût.
    Jaufré, quant à lui, ne parut pas et, curieusement, même Panperd’hu qui était son ami, ne dit mot à son sujet. Peut-être avait-il reçu de Jaufré quelque recommandation. Peut-être espérait-il ainsi que j’en vienne à réclamer des nouvelles. Plus d’une fois je dus chasser l’envie de le faire. Mais je tins bon et ne sus rien.
    Le roi non plus ne donnait pas de nouvelles. Celles qu’on recevait démontraient qu’il n’était pas pressé de rejoindre son épouse. Lasse de lutter contre elle-même, Aliénor avait finalement cédé aux avances de Bernard de Ventadour. À Bordeaux, tout était facile. Chacun savait que la reine avait un amant et trouvait cela normal. Il était d’ailleurs de bon ton en Aquitaine de se laisser aller au hasard de l’amour, l’été se prêtant à merveille à quelques épaules dénudées et aux jeux de séduction.
    S’afficher ainsi en Île-de-France n’était pas du même tonneau. Jamais Louis n’aurait supporté pareil comportement. Non seulement son éducation en refusait l’idée, mais il était profondément jaloux. Aliénor en était consciente et avait joué de la plus extrême prudence avec Denys. Il lui faudrait redoubler de vigilance, surtout si, à son retour, le roi persistait à bouder sa couche.
    Le voyage se

Weitere Kostenlose Bücher