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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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fêtes durèrent une douzaine de jours, attirant, outre des marchands venus des quatre coins d’Europe, bon nombre d’attractions de toutes espèces. L’abbatiale de Suger faisait des envieux.
    À leur terme, Louis se présenta à la porte de la chambre de son épouse, le cœur battant, la gorge sèche. Aliénor lui ouvrit les bras. Mais, au contraire de ce qu’elle avait prétendu, elle ne quitta pas pour autant son beau troubadour.
     
    – C’est une fille, messire !
    Louis écrasa un poing de rage sur le mur de pierre. Il avait espéré, espéré. Au mépris de cette rumeur. Dans tout le royaume, on racontait que l’enfant porté par la reine et qui, cette fois, semblait vouloir arriver à terme, était celui de son amant et non le sien. Pour donner davantage de crédit à ces ragots, il ne se passait pas un jour où Bernard de Ventadour ne vienne tenir compagnie à Aliénor.
    – La reine vous réclame, Louis.
    Suger s’avança en frottant comme à son habitude ses mains l’une contre l’autre. Louis ne broncha pas. Il regardait au loin les pointes de la cathédrale dont la construction se poursuivait depuis une année. Elles semblaient le narguer dans ce ciel limpide de la fin mai 1145.
    – Dieu me punit, mon père. Une fois encore.
    – Allons, mon fils, ne vous laissez pas gagner par la mélancolie. Je vous en prie, venez. Cette enfant est fort gracieuse et la reine tellement heureuse.
    Louis fit face à Suger, en proie à une rage dont il ne se serait pas cru capable :
    – Heureuse, dites-vous ? Le joli ouvrage, il est vrai ! Qu’ai-je à faire d’une fille quand le royaume attend un héritier ? Cela fait huit années, Suger. Et il y a pire ! On me ridiculise jusque sous mes fenêtres. Faites donc venir ce bâtard de Ventadour, qu’il emporte sa progéniture et aille au diable ! Jamais, vous entendez, jamais je ne verrai cet enfant. Ce n’est pas le mien !
    Et, plantant Suger apitoyé, il s’élança comme un fou par-delà la porte. On ne le revit pas d’une semaine.
    Aliénor était rayonnante du bonheur de serrer enfin son enfant dans ses bras, même si, comme Louis, elle regrettait que ce ne soit pas un mâle. Cela aurait résolu tant de problèmes entre eux.
    Le roi n’était resté que quelques mois dans sa couche, le temps d’ensemencer sa terre, puis, prétextant qu’il fallait prévenir le malheur, il l’avait laissée porter gros ventre. Cette fois, la reine n’avait pris aucun risque. Elle s’était refusée à tout voyage, demeurant alitée ainsi que les apothicaires le lui recommandaient. Son enfant, qu’elle avait prénommée Marie, en hommage à la Sainte Vierge si chère au cœur du roi, dormait contre son sein lourd, une pointe gonflée entre ses lèvres fines.
    On apprit bientôt qu’un visiteur annonçait son passage. Bernard de Clairvaux voulait bénir cet enfant, ce présent divin qu’Aliénor lui avait demandé en échange de son obéissance. Le roi se tenait à ses côtés. Apaisé. Recueilli. Bernard de Clairvaux avait parlé. Dieu avait envoyé un enfant ! Si Louis n’avait pas de fils, ce n’était que pour rappeler qu’il fallait être vigilant. Le temps viendrait, si le jeune couple maintenait sa promesse de demeurer raisonnable et respectueux envers l’Église. Quant aux ragots, Bernard ne voulut pas en entendre parler. Il était du droit du roi de faire régner l’ordre et de marquer sa puissance sur son territoire. Quoi qu’il fasse ou dise, cet enfant était le sien.
    Aliénor reçut Louis en pleurant. Ils restèrent longuement dans les bras l’un de l’autre, l’enfant contre eux pour se souvenir de leur tendresse et de leur serment.
     
    – Venez vite, Loanna ! La reine est furieuse et rien ne semble vouloir l’apaiser.
    Sibylle d’Anjou, qui avait fini par épouser le baron des Flandres, était écarlate d’avoir couru. J’étais occupée à trier dans le jardin des simples dont les vertus étaient salutaires contre ces maux de ventre qui depuis quelques matins me tenaillaient.
    La nouvelle était arrivée telle une flèche : Bernard de Ventadour avait été exilé par le roi, le matin même.
    Je courus autant que mes sandales me le permettaient, traversant les brassées de jonquilles et d’iris qui fleurissaient les jardins.
    La reine était alitée depuis une semaine. Ses couches l’avaient fatiguée, et l’apothicaire avait prescrit le repos pour ne point faire tourner le lait. Je m’engouffrai, haletante, dans

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