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Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Titel: Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carolyn Grey
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suivit
la piste que formaient les taches vermillon sur le sol du cabinet de travail.
Les flaques s’élargissaient à mesure que Mary Ann, dont les yeux
s’accoutumaient peu à peu à la pénombre, progressait vers le coin le plus
reculé de la pièce. Bientôt, elle ne put plus avancer ; une véritable mare
de sang lui bloquait le passage. Elle leva alors la tête et sursauta.
    Devant
elle se dressait une statue de fer à taille humaine représentant une femme. Une
statue imposante et massive qui luisait d’un sinistre éclat métallique. En
l’observant plus attentivement, le cou tendu, Mary Ann nota la présence de
charnières et d’un couvercle. Elle comprit alors qu’il ne s’agissait pas d’une
statue, mais d’un sarcophage.
    –  Va-t’en,
lui enjoignit une petite voix intérieure. Va-t’en d’ici !
    Elle
ne l’écouta pas. Fascinée, elle fit lentement un pas vers le sarcophage, puis
un deuxième, sans prendre garde au sang qui trempait ses souliers et ses bas.
    La voix se fit plus
insistante. Plus aiguë aussi.
    –  Ne l’ouvre pas, ne
l’ouvre pas, psalmodiait-elle.
    Mais il était trop tard.
Comme hypnotisée, Mary Ann tendit le bras et attira le lourd couvercle de fer à
elle. Celui-ci pivota d’un coup, et un déluge de sang jaillit du sarcophage,
éclaboussant la jeune fille.
    La terreur submergea
Mary Ann. Elle hurla, et sa voix n’exprimait plus que l’horreur la plus totale.
    Le sarcophage n’était
pas vide.

PREMIÈRE
PARTIE

I
    Septembre
1862
    Au numéro 107 de
l’avenue Pall Mail, à l’angle de Waterloo Place, s’élevait depuis 1824 une
élégante bâtisse construite dans le style néoclassique, ainsi qu’en témoignait
son portique dorique surmonté d’une statue d’Athéna et d’une frise, copie
exacte des marbres d’Elgin du Parthénon, représentant la procession des Grandes
Panathénées qui, dans l’Antiquité, étaient célébrées tous les quatre ans en
l’honneur de la déesse.
    Ce lieu majestueux
abritait l’Athenaeum, le club de gentlemen le plus prestigieux et le plus
exclusif de Londres, où se côtoyaient personnalités des arts, des lettres et
des sciences, magistrats, évêques et hommes politiques. Le Premier ministre en
personne, lord Palmerston, était membre de l’Athenaeum.
    Au premier étage du
club, dans l’atmosphère feutrée du fumoir tout en cuir épais, acajou massif et
cuivre poli, étaient réunis une dizaine d’hommes en redingote sombre. Tous
étaient des grands seigneurs de naissance et de fortune, et la plupart avaient
joué ou jouaient encore un fort brillant rôle politique au sein des partis whig
et tory.
    Appuyé contre la
cheminée, lord Greystone, ancien chancelier de l’Échiquier, favoris blancs et
nez busqué, secoua sur le foyer les cendres de son cigare.
    –  Elle est en Angleterre,
annonça-t-il sans s’adresser à personne en particulier. Arrivée à Douvres ce
matin même, sous la fausse identité d’une baronne danoise.
    À voix basse, il
ajouta :
    –  Ce qui signifie qu’ il sera
également bientôt là.
    Un
frémissement inquiet parcourut son auditoire, et le silence moelleux du club
parut s’alourdir d’une menace cachée.
    Lord
Trevor secoua son whisky ; la glace tinta contre le verre avec un bruit
cristallin.
    –  Il attend son heure… et
celle-ci est sans doute plus proche que nous ne l’avions escompté… déclara-t-il
gravement.
    –  Qu’en
pensez-vous, Rupert ? s’enquit lord Yarsfield, un individu corpulent aux
lèvres pleines et aux bajoues disgracieuses, qui avait été ministre de la
Guerre au sein de plusieurs cabinets conservateurs.
    La
question s’adressait à un homme grand et maigre, d’environ soixante ans, sanglé
dans une redingote gris fer. Posté devant l’une des fenêtres, il tournait le
dos aux autres, et n’était pour l’heure pas encore intervenu dans la
conversation. Il ne répondit pas immédiatement à l’interrogation de lord
Yarsfield, se contentant de fixer la rue. Un instant, un profond silence régna
dans le fumoir, puis le dénommé Rupert se retourna, une expression d’amabilité
glacée sur le visage. Il jaugea l’assemblée avant de laisser tomber avec une
pointe d’agacement :
    –  Que
voulez-vous que je vous dise que nous ne sachions déjà, messieurs ? La
situation est grave, c’est une évidence. La monarchie vacille, jamais elle n’a
été aussi fragile… Depuis la mort de son époux, le prince Albert, en décembre
dernier, la

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