Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

retrouverait ainsi la
place qui lui était due.
    La
prochaine fois qu’il reviendrait en Angleterre, ce serait en conquérant.
    Enfin.
    *
    Posé
au centre de la table, le Livre d’émeraude brillait dans la pénombre de la
chambre aux rideaux clos. Des doigts pâles et flétris s’en approchèrent. Ils
hésitèrent une longue minute, suspendus dans les airs, avant d’effleurer enfin
la surface de l’objet si longtemps convoité.
    Debout
près de la porte, ombre parmi les ombres, Cornelia se tenait immobile, drapée
dans une robe de velours noir constellée de perles et de joyaux qui faisait
ressortir la blancheur irréelle de sa peau et l’éclat inquiétant de son regard
doré.
    –  J’ai
agi ainsi que vous me le demandiez, déclara-t-elle, rompant le fervent silence
qui s’était instauré dans la pièce.
    –  Vous
avez pris la bonne décision. C’est ce qu’Isis souhaitait.
    Cornelia acquiesça.
    –  Je
suis heureuse d’avoir pu réaliser sa dernière volonté : confier le Livre
d’émeraude à sa descendance…
    Lady
Wilhelmina Westbury se tourna vers elle et eut un petit rire étonnamment
juvénile.
    –  William
doit être furieux. Une fois de plus, son objectif lui glisse entre les doigts…
    À l’évocation de ce nom,
le fin visage de Cornelia s’était durci.
    –  Je
ne serai pas en paix tant que cet homme ne sera pas mort, lâcha-t-elle,
farouche.
    –  Moi
non plus, mais là n’est pas notre rôle. Et William a grandement favorisé nos
plans en manœuvrant pour envoyer Julian en Transylvanie, même s’il a dû
utiliser sa propre fille pour cela…
    Wilhelmina
alla chercher dans le tiroir de sa coiffeuse un coffret de bois de santal
ciselé et incrusté de pierreries.
    –  Où est Vladislav ?
s’enquit-elle sans regarder Cornelia.
    Celle-ci se raidit, mal
à l’aise.
    –  Ici, à Londres,
répondit-elle à contrecœur.
    –  Vraiment ?
    Au
ton de sa voix, Cornelia comprit qu’elle était déjà au courant.
    –  Vladislav
me préoccupe, annonça Wilhelmina, les yeux toujours fixés sur le livre. Il est
imprévisible.
    –  Tout
comme Dolem, intervint Cornelia. Elle n’était pas supposée s’approprier la
pierre philosophale de Cylenius. Elle s’est jouée de William, mais de nous
aussi par la même occasion.
    Le
coffret était dépourvu de serrure et son ouverture invisible. Wilhelmina pressa
l’une des moulures de bois précieux et le couvercle se souleva.
    –  Ces
événements étaient inéluctables, murmura-t-elle en posant le livre sur le
coussinet de satin rouge qui recouvrait le fond du coffret.
    –  Certes,
mais sa trahison envers Cylenius est impardonnable…
    –  Du
moins Dolem poursuit-elle un intérêt personnel puisqu’elle désire devenir
humaine, continua Wilhelmina. Alors que Vladislav… Dieu seul sait quelles
peuvent être ses motivations. Je ne crois pas qu’il ait conscience de
l’importance et de la gravité de notre tâche. Et le fait qu’il soit le plus
puissant d’entre vous renforce encore mon inquiétude… Chacune de ses décisions
peut tout faire basculer.
    –  Vlad
est tel un enfant qui cherche à s’amuser, mais le moment venu, il saura faire
le bon choix, assura Cornelia.
    –  Je
n’en suis pas si sûre, soupira Wilhelmina en refermant sans bruit le couvercle
du coffret. Néanmoins, je n’ai d’autre alternative pour l’instant que de lui
laisser le bénéfice du doute. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre
aide.
    –  Je n’ai fait que mon
devoir. À bientôt, lady Westbury…
    L ’homonculus disparut, comme happé par les ténèbres.
    Après
avoir rangé la précieuse relique dans son coffre, Wilhelmina sortit de sa
chambre. Dans le couloir l’attendait Godric, aussi grave qu’à son habitude.
Elle s’arrêta près du jeune garçon, posa sa main sur sa joue et la caressa
tendrement.
    –  Ton
heure viendra bientôt, Godric, murmura-t-elle avec un sourire. Très bientôt…