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Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Titel: Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carolyn Grey
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PROLOGUE
    Audi Deus…
    Ecoute, ô Dieu.
     
    Janvier
1838
    Les cercueils dansent.
    Dans
l’obscurité et le froid de la crypte, à l’abri des regards, les cercueils
dansent.
    En
ce jour glacial de l’hiver 1838, deux autres minuscules bières s’apprêtent à
les rejoindre.
    Dix
hommes sont nécessaires pour retirer la gigantesque dalle de marbre qui protège
l’entrée du caveau et la déposer lourdement sur le côté. Face à la béance noire
de la sépulture, chacun retient son souffle. Les femmes resserrent leurs châles
autour de leurs bustes, les hommes martèlent nerveusement le sol gelé du talon.
Une peur presque palpable enlace l’assistance.
    Les
porteurs saisissent les poignées des deux petits cercueils d’ébène et les
hissent sur leurs épaules. Au moment de s’ébranler cependant, le convoi hésite.
Un frémissement d’appréhension, d’impatience aussi, parcourt l’assemblée.
Durant une poignée de secondes, le temps semble figé.
    C’est
un homme de belle prestance, aux traits d’une singulière perfection, qui rompt
l’inertie ambiante. D’un signe de sa main gantée de noir, il donne l’ordre aux
porteurs de descendre les cercueils dans la chambre funéraire. Lui-même ouvre
la marche, et rien dans son attitude ne trahit la moindre crainte, ni la
moindre tristesse. Il s’enfonce d’un pas assuré dans les profondeurs de la
crypte, les pans de son manteau balayant les degrés de pierre usés, suivi par
les cercueils renfermant les corps de ses enfants. Au passage de la funèbre
procession, la bouche sombre du caveau expulse une bouffée d’air putride.
    Arrivés
au bas de l’escalier, les porteurs posent les cercueils à terre avec
précaution. Avant même que leurs yeux se soient habitués à la pénombre de la
crypte, ils savent déjà ce qu’ils vont voir ; car le même phénomène se
reproduit depuis des siècles, sans que nul n’ait jamais pu y trouver une
explication.
    Les
dizaines de cercueils qui peuplent le tombeau ont une fois encore quitté les
niches creusées dans les parois. Un désordre total, incongru, effrayant, règne
sur les lieux. Certains cercueils sont posés debout, la tête en bas, au centre
de la salle. D’autres sont appuyés contre les murs ou gisent sur le sable blanc
qui couvre le sol, comme s’ils avaient été projetés en tous sens par une force
invisible. Aucun n’occupe la place qui lui a été dévolue lors de son
inhumation.
    Dans
la crypte, l’air est difficilement respirable. Quelqu’un apporte une lampe, et
les porteurs contemplent le sinistre spectacle de la profanation à la lueur du
faisceau blafard qu’elle projette. Le reste de l’assistance se presse derrière
eux sur les marches, en proie à une curiosité morbide. Un homme amorce un signe
de croix, mais est arrêté dans son geste par un coup d’œil méprisant du père en
deuil. Sur un nouveau signe de sa part, les deux petits cercueils sont soulevés
et amenés au fond du caveau. Le prêtre s’avance et psalmodie un verset des
Ecritures ; la cérémonie est brève, chacun est pressé de quitter ces lieux
maudits.
    Lorsque
la dernière prière est prononcée, l’assemblée reflue lentement vers l’entrée du
souterrain. Quelques hommes s’attardent pour remettre toutes les bières à leur
place, bien qu’ils soient convaincus qu’elles n’y resteront pas. Tandis qu’ils
s’affairent à cette tâche, le père reste seul à contempler les cercueils de ses
enfants. Le visage impassible, il laisse ses doigts courir sur les plaques de
cuivre vissées aux couvercles. Le nom de ses filles y est gravé, ses filles
dont l’existence, par bonheur, n’aura pas dépassé cinq ans. Dans l’ombre de la
crypte, il chuchote une dernière fois leurs prénoms :
    « Angelia,
Cassandra… »
    Un léger sourire
affleure sur ses lèvres, puis il se détourne et quitte à son tour le caveau.
    Les deux petits
cercueils ont rejoint leurs semblables pour l’éternité. Le lourd bloc de marbre
se referme sur le silence et la nuit.
    La tombe est de nouveau
scellée.
    Et les cercueils
recommencent à danser.
     
    … vocem
meam loquentis…
    … ma voix qui entonne sa
plainte.
     
    Janvier 1855
    Sa
tête lui faisait mal ; des élancements réguliers lui vrillaient les
tempes.
    À
demi consciente, elle essaya de deviner où elle se trouvait. Elle était
allongée sur une matière plane et dure, une table peut-être. Son dos la faisait
souffrir, ses membres étaient endoloris.

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