Le livre du cercle
referma.
Will
dissimula son sourire derrière sa main. Les yeux d’Elwen croisèrent les siens
et son visage s’adoucit.
Le
prêtre les regarda tous les deux avec méfiance.
— A
vos devoirs, sergent ! ordonna-t-il finalement.
Puis
il se tourna vers Elwen.
— Quant
à vous, je vous ramène à vos quartiers. Le maître, que Dieu le bénisse, jugera
peut-être bon de ne pas vous punir, mais je ne resterai pas à regarder sans
rien faire alors que vous abusez de son hospitalité.
Il
allait l’empoigner mais il s’arrêta à quelques centimètres de sa peau, comme
s’il craignait de la toucher. Mais il n’avait pas besoin de la pousser, Elwen
partait déjà devant lui, les jupons chargés de pommes.
Ayant
toujours peine à croire à l’audace de la jeune fille, Will sauta par-dessus le
mur du verger et pénétra dans la cour principale. Il voulait faire quelque
chose avant l’office de l’après-midi, quelque chose qu’il repoussait depuis
trop longtemps. Écris à ta mère, lui avait dit son père en partant. Le souvenir
de leur séparation en Écosse, les lèvres de sa mère frôlant sa joue et son
faible sourire le hantaient toujours. Mais il ne lui avait pas encore écrit.
Pour une fois, il avait une bonne nouvelle à lui annoncer : il avait porté le
bouclier de son maître à une conférence avec le roi.
Will
frappa à la porte de la cellule, espérant que ce serait Owein et non Jacques
qui lui ouvrirait. Il attendit et frappa de nouveau, plus fort cette fois. Will
regarda autour de lui. Le couloir était désert. Il ouvrit doucement la porte et
constata que la pièce était vide. Il allait la refermer quand il aperçut les
parchemins sur la table.
Ils
étaient rangés en trois piles. Will s’approcha, à la recherche d’un parchemin
vierge. Toutes les peaux avaient été utilisées. Il remarqua que certaines avaient
été écrites par Owein, il reconnaissait son écriture fluide, alors que les
autres étaient recouvertes du gribouillage anguleux de Jacques. Remarquant
l’une d’entre elles, qui portait le sceau royal en cire rouge, il jeta un coup
d’œil derrière lui avant de s’en saisir. Ses yeux parcoururent la lettre avec
curiosité. Adressée à Humbert de Pairaud, le roi y demandait que les chevaliers
renoncent aux joyaux de la Couronne. Will s’en désintéressa après les premières
lignes et la laissa retomber sur la table. Puis il farfouilla dans les derniers
rouleaux. Ils concernaient les enregistrements des dettes de Henri, ce qui
était un peu plus intéressant. Will émit un petit sifflement entre ses dents en
constatant combien le roi d’Angleterre avait emprunté au Temple au fil des ans.
Après avoir satisfait sa curiosité, il reposa les parchemins. Son regard tomba
sur l’armoire. Se déplaçant à pas de velours, il ouvrit les doubles portes et
découvrit une réserve de peaux neuves sur une étagère. Il se mit sur la pointe
des pieds pour en extraire une, mais ce faisant il renversa toute la pile. Les
remettant rapidement en ordre, il en glissa une dans le bas de sa jambière. Il
avait rangé toutes les peaux sauf une, jaunie et fissurée, dont il se demandait
ce qu’elle faisait au milieu des autres. Au lieu d’être vierge, elle comportait
du texte en latin. Mais ce qui attira son attention, c’était que les formes des
lettres étaient trop nettes, comme si celui qui l’avait rédigé avait voulu
cacher son écriture naturelle. Il chercha un sceau mais n’en trouva aucun, ce
qui l’étonna, tout comme le fait qu’il n’y eût pas de destinataire. En
revanche, le parchemin portait une date.
1 er avril. Anno Domini 1260
Je
vous prie de m’excuser si je n’ai pas donné de nouvelles plus tôt, mais il y
avait peu à dire. Arrivé l’automne dernier, j’ai pris contact avec nos frères
d’Acre. Ils envoient leurs vœux à leur maître et me demandent de vous informer
que le travail ici se déroule bien, même si nous aimerions avancer plus vite.
L’un des nôtres est mort cet hiver et nous avons été douloureusement diminués
par son absence. Les autres se demandent quand vous reviendrez pour guider
notre Cercle.
D’autres
facteurs ont rendu ma mission plus difficile que prévu. L’année a commencé par
la guerre et a continué de la même façon. En janvier, les Mongols ont ravagé la
cité d’Alep, et dès mars ils balayaient Damas. Le mois dernier, nous avons
appris que leur général, Kitbouga, ayant ordonné à ses troupes de
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