Le livre du cercle
noix de cire et commençait à
frotter la selle.
Un
bruit de sabots se fit entendre dans la cour. Simon posa son chiffon, essuya
ses mains sur sa tunique et alla accueillir le cavalier. Resté à l’intérieur,
Will entendit deux voix : celle, confuse, de Simon et celle d’un homme à
l’accent étranger. Il s’approcha de l’entrée. Simon tenait les rênes d’un
destrier noir avec une étoile blanche sur le chanfrein. Will connaissait le
cheval, c’était celui de Cyclope, mais il n’avait jamais vu le cavalier.
Celui-ci portait une cape grise dont il avait rabattu la capuche sur sa tête.
Il fit un signe de remerciement à Simon et se tourna pour partir. Will aperçut
alors une barbe et une peau plus noires que celle d’aucun Anglais. Il le
regarda traverser la cour en direction du quartier des chevaliers.
— Qui
était-ce ? demanda-t-il à Simon, qui rentrait le cheval dans l’écurie.
— Aucune
idée. Il avait l’air étranger, non?
— Pourquoi
avait-il le cheval de Cyclope ?
— Je
suppose que c’est celui qu’il a pris le mois dernier. Le grand écuyer m’a dit
qu’un ami de Jacques avait emprunté son cheval pour quelques semaines.
Simon
attacha les rênes à un poteau et se pencha pour défaire les étriers.
— Tu
restes un peu ? Tu veux m’aider?
—
Non, dit Will d’un air distrait, je dois m’entraîner.
— Tu
repasses bientôt ? Je ne t’ai pas vu depuis des semaines.
— Oui,
bien sûr.
Simon
regarda Will partir, puis il dessella le destrier et le conduisit à une stalle.
Après quoi il entreprit de couper la corde de la botte de foin. Une ombre
bloqua partiellement la lumière à l’entrée de l’écurie et Simon leva les yeux.
Un homme se tenait là, vêtu d’une cape rousse.
L’inconnu,
qui avait de longs cheveux défaits et une mâchoire carrée, salua Simon pour la
forme.
— Où
se trouve le quartier des sergents ?
Simon
se redressa et s’approcha tout en rangeant son couteau dans sa ceinture.
— Qui
cherchez-vous ?
L’homme
sourit, révélant une bouche remplie de dents gâtées.
— Ce
sont mes affaires, garçon. Où est-ce ?
Simon
n’avait pas le droit d’interroger les visiteurs, même s’ils étaient étrangers
ou déplaisants, comme c’était le cas.
— De
l’autre côté de la cour, répondit-il froidement en montrant du doigt les
bâtiments au loin. Le grand, là-bas.
La Tour, Londres,
17 octobre 1260
après J.-C.
La
barge publique glissait lentement en direction du London Bridge, après avoir
déposé tous les passagers aux quais de Walbrook. Tous les passagers, sauf un.
Recroquevillé sur lui-même, Garin était assis sur un banc à la poupe. Il
regardait les charrettes stationnées derrière la chapelle et les nombreuses
échoppes qui occupaient le pont. En passant sous les arches, il observa les
têtes plantées au bout des piques comme des lampions. Garin resserra sa cape
pour dissimuler la croix rouge sur sa tunique, terrifié à l’idée que quelqu’un
le reconnaisse. Il se trouvait tout seul hors de la commanderie, sans
permission. Rien que d’y penser le remplissait de vertige. Mais, au-delà de
l’anxiété, il ressentait un brin d’excitation. C’était ce sentiment qui l’avait
amené jusqu’ici, en plus de la crainte du châtiment s’il avait refusé d’obéir
aux ordres. En temps normal, rien n’aurait pu le décider à quitter la
commanderie. Mais aujourd’hui avait lieu la réunion du chapitre et les
chevaliers seraient occupés presque toute la journée. Personne n’y verrait
rien.
Après
le pont, la vue était dominée par la Tour de Londres, ses énormes
fortifications et les douves qui la bordaient sur trois côtés. La barge se mit
à quai avant d’arriver aux murs : aucun bateau ne pouvait aller plus loin sans
autorisation. Quand les membres de l’équipage eurent arrimé le bateau, Garin
descendit. Il suivit les instructions qu’on lui avait données et traversa un
labyrinthe de ruelles pour arriver jusqu’au mur d’enceinte côté ville. Là, il
trouva un petit pont-levis qui enjambait les douves et menait à une porte
étroite dans la façade. Deux gardes royaux en livrée écarlate se tenaient de
chaque côté de la porte. L’un d’eux leva son épée quand Garin posa le pied sur
le pont.
— Restez
où vous êtes.
Garin
fit ce qu’on lui demandait tandis que le garde s’approchait.
— Je
m’appelle Garin de Lyons, dit-il en bredouillant. On m’attend... je
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